Dans l’Entre-deux-guerres, un grand éditeur français eut l’idée de demander à des personnalités de présenter de manière littéraire un métier soit qu’ils avaient exercé, soit avec qui ils étaient en contact régulier.
Ainsi c’est Albert Thomas qui rédigea (secrétaire général du Bureau international du travail) sur l’ouvrier et l’on vit un évêque écrire le texte sur le prêtre, un romancier spécialiste en récit sur la mer se consacrer au métier de marin… Après l’attribution à Ernest Pérochon du prix Goncourt en 1920, ce dernier est l’instituteur le plus connu de France même s’il ne va pas tarder à devenir écrivain et quitter le métier d’enseignant.
Toutefois, comme l’explique l’avant-propos, Ernest Pérochon ne perd absolument pas le contact avec l’enseignement. En effet il est délégué départemental de l’éducation (dans le vocabulaire d’aujourd’hui), membre du conseil d’administration du lycée de garçons de Niort ; par ailleurs, son épouse enseigne, durant quasiment toute l’Entre-deux-guerres, le français et l’histoire-géographie à l’École primaire supérieure de Niort (ce qui correspond au niveau collège aujourd’hui). Dans un département comme les Deux-Sèvres où l’enseignement catholique est puissant, Ernest Pérochon est scolarisé dans une école laïque car il est issu d’une famille protestante. Cette école de Courlay est d’ailleurs majoritairement fréquentée par les dissidents catholiques dits de la Pettie église (ils ont refusé le Concordat).
Dans l’ouvrage « L’instituteur » rebaptisé aujourd’hui « L’instituteur au début du XXe siècle », Ernest Pérochon dresse le tableau de la formation à l’École normale et du métier d’instituteur tant pour ce qu’il est à la Belle Époque (l’auteur est né en 1885) que dans les années 1920. L’évolution est non négligeable, tant par le fait que dans l’Entre-deux-guerres tout instituteur doit passer par l’École normale, que les instructions officielles de 1923 réorientent sérieusement le contenu de l’école primaire française définie par Jules Ferry. Célestin Freinet qualifiait ces dernières de véritable charte pour l’enseignement moderne. Par ailleurs la sociologie de l’éducation est introduite à l’École normale et tous les normaliens doivent posséder le brevet supérieur, alors que nombre de « mérovingiens » ayant débuté leur carrière avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, n’ont que le brevet élémentaire.
Le regard de l’auteur est critique et il ne dépeint pas de façon louangeuse un métier (qu’il a aimé pourtant beaucoup) car il s’agit pour lui de prévenir le jeune, qui songe à embrasser cette carrière, de certaines difficultés que ce dernier ne soupçonne pas. C’est un témoignage éclairé d’un contemporain qui évoque non seulement son vécu, celui de son épouse mais aussi celui de collègues que l’on peut parfois identifier de façon sure en consultant les dossiers professionnels de ceux qu’il a côtoyés à l’École normale (voir à ce propos l’article sur Henri Ranger, paru dans le numéro 8 du « N°25 Cahiers Ernest Pérochon » de septembre 2010). Bien que, l’auteur le souligne déjà, l’école de la sous-préfecture ou de la préfecture, soit l’objectif final de la plupart des instituteurs, de très longues années seront à faire dans les villages. Ernest Pérochon qui, à une exception d’une année près, n’a enseigné qu’en milieu rural (dans la partie nord-ouest des Deux-Sèvres principalement) nous parle avec tendresse principalement ici des écoles de campagne.
L’instituteur au début du XXe siècle – commentaire par Adam Craponne
Livre – L’instituteur du début du XXe siècle par Ernest Perochon
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