« En cette année, le trois d’Août, jour de la trans des reliques de Saint-Etienne, nous, le Duc de Béthune avec Madame la Duchesse, son épouse, ont fait leur entrée solennelle dans cette paroisse. Arrivés presque à l’incognito, le deux au soir sur les neuf heures, il ont bien voulu permettre qu’on leur rendit les honneurs qui sont dus un pareil cas aux personnes de leur rang. Quoique ce fût dans le fort de la moisson, on a ramassé environ trente personnes qu’on a fait mettre sous les armes.

Les Seigneurs ont été reçus à la porte de la ville, sous les dais, de ci conduits ainsi à celle de l’église, où le curé a eu l’honneur de les introduire après les avoir complimentés un moment, l’église parée et ornée comme aux jours des plus grandes fêtes.
Il a célébré a sainte messe accompagné de Messieurs les curés de Méry-ès-Bois et de Presly, venus par hasard ce jour-là pour voir leur confrère.
Les Seigneurs on entendu cette messe dans la place que le curé leur avait préparée dans le sanctuaire.

Ils ont été à l’adoration de la croix avec tous les sentiments de respect et de vénération qui sont dus à cette cérémonie.

Madame la Duchesse a donné dans cette occasion et pendant toute la messe, les marques d’un piété et d’une modestie qui n’a guère d’exemple. Il serait à souhaiter que les gens qui veulent faire les maitres dans les paroisses ne cherchassent à se distinguer que par une conduite et des actions de cette espèce.

Après la messe on a conduit les Seigneurs à leur hôtel où ils ont invité à diner le curé et ceux qui l’ont accompagné dans la cérémonie.
Après diner ils se sont promenés dans le parc, puis ils ont été voir la maison de LORROIS où ils ont été reçus en qualité de bienfaiteurs à la porte de l’église.
En cérémonie, après cette visite, ils sont montés en carrosse et ont été voir la forge où ils étaient attendus. On a fait travailler, pour cet effet, les ouvriers plus longtemps qu’à l’ordinaire afin de procurer à Madame la Duchesse, le plaisir de voir en mouvement une manufacture qu’elle n’avait jamais vue.
Mous, le Directeur a porté la complaisance jusqu’à faire mettre en train toutes les machines de la fonderie afin de leur faire voire fondre le fer qui est l’objet le plus curieux dans cette espèce de manufacture.
Les Seigneurs ont été tous contents de la complaisance du directeur et des forgerons, et ceux-ci l’ont été aussi beaucoup de la générosité des Seigneurs.

Il était neuf heures du soir, comme on avait rénové le carrosse à la descente de la forge, en revenant de LORROIS, à cause du mauvais chemin, les Seigneurs ont fait à pied le trajet de la forge à la Chapelle, en forme de promenade.

Pendant ce temps-là, on préparait à la Chapelle un magnifique feu de joie que les Seigneurs ont allumé à leur retour de la forge, avec les cérémonies ordinaires. Chacun dans ce moment a redoublé les témoignages de la joie qu’on avait de posséder des Seigneurs si respectables. Le feu étant sur sa fin, les Seigneurs s’en sont retournés à leur hôtel où ils ont été conduits avec les drapeaux, au son des tambours et au milieu des gens qui étaient sous les armes.

Ils avaient fait leur voyage de LORROIS et de la forge accompagnés de Mons. (Saillant d’Anjou ?) et du curé dans le carrosse ; de Messieurs (Sabatand ?) (de Vogüé) et (le Vagon ?) et autres, à cheval autour du carrosse.

La chaleur était excessive ce jour-là, la journée fût trop courte pour permettre aux Seigneurs de tout voir et de tout examiner.
Ils sont repartis le lendemain pour SULLY à neuf heures du matin, très contents et très satisfaits de toutes les démonstrations de joie qu’on a donné à leur égard, malgré le peu de temps qu’on a eu pour s’y préparer. Ils ont dit en partant milles choses honnêtes et gracieuses au curé et aux habitants et ont laissé après-eux des étonnements de leur générosité et de leur religion.

C’était le jour de toute l’année le plus rude pour la chaleur. Partir à neuf heures était un peu tard pour aller chercher halte à huit lieues, c’est-à-dire MALTAVERNE ; aussi en ont-ils perdu un cheval et presque deux tant ils avaient souffert de la chaleur. Les Seigneurs n’ont point été du tout incommodés de ce voyage. Arrivés à SULLY ils ont été se promener dans la ville et faire lever ceux qui, ne les attendant pas, s’étaient couchés plus tôt qu’à l’ordinaire.

Les Seigneurs, très mal prévenus contre le pays et le château de la Chapelle ont eu bientôt changé de sentiments, les voyant l’un et l’autre. Ils ont été si contents que Madame la Duchesse a témoigné de vouloir y venir passer tous les ans trois semaines ou un mois et a fait espérer au curé et autres, que pour cet effet, elle prendrait des moyens pour fair meubler au moins un appartement, ce qui flatterait infiniment le curé et les habitants qui, à part les raisons particulières, ont été de tout temps très désireux et très empressés de voir leur Seigneurs et leur donner de nouvelles preuves de leur respect et de leur attachement.

Puissent-ils leur donner plus tôt cette satisfaction de goûter eux-mêmes tout le bonheur qu’ils méritent. »

Amen

(Extrait d’un registre de la paroisse de la Chapelle-d’Angillon daté de 1769)


Il est toutefois notable que la famille de Béthune possédait des terres dans la région. Par exemple, la seigneurie de Charost, associée à la famille de Béthune, comprenait des domaines dans le Cher, dont la Chapelle d’Angillon. Des documents d’archives, tels que des terriers et des rôles des serfs et taillables, attestent de cette possession

Rédigé par

Pierre Marché

Auteur de Mehun-sur-Yèvre – Archiviste