Vers « Ce vallon frappait par le silence qui y régnait, interrompu par le murmure de la petite Sauldre. »
Le secret des premiers capétiens par Marie-Madeleine Martin. Page 131.
En ces temps où les traditions orales restaient si fortes et si vives, je crois que Jacques a choisi délibérément d’aller en Berry, après ses entretiens avec le Pape Serge II. L’Italie et la Papauté devaient avoir gardé le souvenir des anciennes royautés celtiques, si liées avec le Nord de l’Italie, avec cette Gaule cisalpine qu’elles avaient partiellement fondée. Et Rome avait toujours colonisé avec prédilection le centre de la France, le sud de la Loire dans la région du Centre. Pourquoi ne pas imaginer que, lors de ses entretiens avec le Pape, Jacques s’étant dirigé vers la Gaule de la pure orthodoxie, vers la Gaule des Carolingiens fidèles des fidèles, n’ait pas gémi de voir retomber dans le paganisme cette contrée du centre si glorieuse et jadis si religieuse ? Celui qui fuyait l’hérésie des Iconoclastes et cherchait en Gaule une foi lumineuse et toute pure, apprenait que maintes régions retombaient aux vieux cultes primitifs (à la fois par de nouvelles invasions barbares et par les troubles qui succédaient à la mort de Charlemagne, aux querelles de ses fils)… Jacques rendrait à ces régions leur christianisme, par sa ferveur et par son exemple silencieux !
On le voit, en tout cas, visiter tous les monastères de la contrée, avant de se décider à trouver un point fixe. Les Bénédictins de St Sulpice de Bourges l’accueillent, mais il hante les monastères annexes ou voisins : Vierzon d’abord (où résidait une communauté orientale, du rite de St Basile), Achères ensuite. Nulle part, il ne trouve le repos d’une certitude. Une chronique nous dit :
Les religieux (1) lui indiquèrent, à peu de distance de leur monastère, comme très propre à son ermitage, un vallon solitaire qu’arrosent de limpides cours d’eau, que fertilisent de fraîches fontaines, et que couronnent de beaux et grands bois… A première vue, ce vallon frappait par le silence qui y régnait, interrompu par le murmure de la petite Sauldre, et même des ruines d’antiques demeures éparses çà et là, toutes choses capables de lui rappeler, avec la fragilité des biens de ce monde, la rapidité de la vie qui aboutit à l’éternité. »
(1) Ceux d’Achères sans doute. Le nom ancien d’Achères vient d’Apchiers, c’est-à-dire ruchers. Les moines et ermites organisaient d’importants ruchers d’abeilles, parce qu’au Moyen-Age, en l’absence de sucre, le miel avait une importance économique primordiale. Les Père de l’Orient avaient lancé l’idée de cette activité ; saint Jacques devait y songer, avant même de s’installer en Berry. on signale encore la présence de saint Jacques à Berry-Bouy et à Joigny ; entre Bourges et Mehun-sur-Yièvre. Pourtant sa sainteté attirait les foules qu’il fuyait ensuite.