Denise Péricard-Méta
Docteur ès-lettres
Brochure 12 juillet 2000
Librairie édition Guénégaud, ISBN 2- 85023-099-5
Statue de saint Jacques conservée dans l’ancienne auberge Saint-Jacques
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La Chapelle d’Angillon a pour patron saint Jacques, un saint Jacques différencié de ses homonymes par la dénomination »de Saxeau », qui n’est autre que le nom primitif de ce village dans lequel, au IXe siècle, serait mort en odeur de sainteté un ermite-jardinier nommé Jacques. Encore aujourd’hui, il est fêté le 19 novembre, date anniversaire de cette mort. La paroisse conserve plusieurs témoignages de la véracité de cette tradition :
• une relique de sa tête, enfermée dans un buste-reliquaire en cuivre doré ;
• une biographie officielle écrite au XVIe siècle ;
• la grotte où vécut ce saint Jacques ;
• ainsi que plusieurs objets à son effigie dans l’église.
Quant aux pèlerinages et aux miracles, ils sont attestés dès le Moyen Age.
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Le saint jardinier voulu par l’église
Ce n’est qu’à partir de la fin du XIVe ou du début du XVe siècle qu’apparaît une première tentative discrète d’individualisation du saint local dans un calendrier d’un Bréviaire de Bourges : au 19 novembre Jacques est donné comme « Jacobi conf », un confesseur désignant un saint qui ne fut ni apôtre ni martyr. En 1444 un document parle cette fois de « saint Jacques l’Hermite, patron de lad. église » de La Chapelle. La encore il s’agit d’un document émanant de Saint-Sulpice. A Bourges à cette époque souffle en effet un vent de réforme, dans le cadre de ce que l’on a coutume d’appeler la Pré-Réforme. Le Bréviaire, malheureusement daté trop vaguement semblerait pouvoir être dû un archevêque de Bourges, le breton Henri d’Avaugour (1421-1446) connu pour son œuvre de réorganisation. Peut-être étonné de trouver dans ce pays nouveau pour lui un corps de saint Jacques il aurait souhaité le différencier de celui de l’apôtre.
En 1483 vient à Bourges un autre ecclésiastique réformateur, à Saint-Sulpice cette fois, l’abbé Guillaume Alabat. Il suivit avec un tel intérêt les réformes engagées à l’abbaye de Chézal-Benoît en 1488 par l’abbé Pierre du Mas qu’en 1497 il se démit de sa charge en sa faveur. Saint-Sulpice dépend dorénavant de Chézal. Pierre du Mas était membre d’une famille connue pour sa dévotion à saint Jacques* et pour lequel il n’était dès lors qu’un saint Jacques, celui de Compostelle. Ces deux hommes ont très certainement œuvré pour différencier le saint de La Chapelle de celui de Galice. Dans un Sanctoral de Bourges qui semble dater de cette fin du XVe siècle apparaît pour la première fois l’ébauche d’une Vie de ce « S. Iacobi conf ». Il est présenté comme originaire d’une noble souche et fort érudit en matière d’arts libéraux en même temps que les arts militaires. Il assiste aux délibérations des cours impériales.
Les efforts s’intensifient après la Contre-Réforme, au moment de la reconstruction de l’église de La Chapelle. Intentionnellement, on choisit un autre emplacement, à l’autre extrémité de la ville, ce qui est très rare (en effet, les reconstructions se font le plus fréquemment sur les anciens lieux).
L’historien La Thaumassière date de 1605 la consécration de cette nouvelle église, en présence de Maximilien de Béthune, duc de Sully qui avait vraisemblablement financé les travaux.
On plaça au-dessus du portail d’entrée la haute statue de l’ermite qui y figure encore. On mit dans la nouvelle église une grande toile où saint Jacques figure en ermite-jardinier, travaillant la terre avec sa bêche, et on diffusa largement les exemplaires d’une gravure semblable, images propres à séduire la population rurale.
De cette même époque encore doit dater l’aménagement de la grotte du moine au pied du mur du château, ultime témoignage de l’existence de l’église primitive, près de « la fontaine Saint-Jacques » et près de la porte Saint-Jacques qui ouvrait sur la ville.
Enfin, fut rédigé unElogium historicum sancti Jacobi eremitae publié au siècle suivant, en 1657 par le père Labbé d’après, disait-il, un « vieux manuscrit de l’abbaye Saint-Sulpice de Bourges », aujourd’hui disparu. L’histoire du saint jardinier prend dès lors sa forme définitive.
- Bibli. mun. Bourges, ms, 16, fol.7 (début XVe siècle).
- Arch. dép. Cher, fonds de Saint-Sulpice, prieuré de La Chapelle, 4 H 600, n°1 et n° 4 (copie XVIIIe siècle).
- Ribault, Jean-Yves, « crises et réformes », Le diocèse de Bourges, dir. G. Davailly, Paris, 1973, pp. 74-113.
- Deshoulières (François), « Essais historiques et généalogiques sur le château de l’Isle-sur-Arnon et ses seigneurs » Mémoires de la société des Antiquaires du Centre, 1898, t. XXII, pp. 87-174.
- Deshoulières, (François), « Abrégé historique de l’abbaye Saint-Sulpice de Bourges », Revue du Berry et du Centre, 1906, t. XXV. P. 272, d’après le ms. L.985 n°2 conservé aux Archives Nationales à Paris (1741).
- Cottineau, (dom L.H.). Répertoire top-bibliographique des abbayes et prieurés O.S.B. Mâcon, 1935, t.1, 766, col.2.
- *Il est frère de Jean du Mas qui adopte pour emblèmes coquilles, bourdons et besaces que l’on retrouve aussi bien sur les manuscrits qu’il a faits copier que sur son tombeau dans l’église de Touchay.
- Bibl. mun. Bourges, ms. 23, fol 423 (XVe siècle).
- Thaumas de La Thaumassière, (Gaspard), Histoire de Berry, Bourges, 1689, rééd. 1865, 3 vol., t. II, p. 293
- Boyer (Hippolyte) et Latouche (R.), Dictionnaire topographique du département du Cher, Paris, 1926, p. 161.
- Buhot de Kersers, (Alphonse-Louis-Marie), Histoire et statistique monumentale du département du Cher, 8 vol., Bourges, 1898, t.III, p. 1-12
- Borgès, (abbé Frédéric), Saint-Jacques de Saxeau, Bourges, 1888.