Parallèlement aux embuscades proprement dites, le secteur du Cher-Est, dans les derniers jours d’août, poursuivit sur une grande échelle les destructions et sabotages de voies de communication. La voie ferrée de BOURGES à SAINCAIZE continuait à constituer, dans cet ordre d’idées, l’objectif principal. Vers le 30 août, notamment, en vue d’empêcher le passage d’un train de prisonniers politiques, que les Allemands évacuaient de BOURGES, pendant deux jours de suite la voie sauta toutes les 6 heures.
(Malheureusement le train, fortement escorté, réussit tout de même à passer). Dans le bois de BOURAIN, un pont métallique fut détruit, et les Allemands l’ayant reconstruit avec des traverses, fut de nouveau saboté et incendié le lendemain.
Après le chemin de fer, l’objectif le plus important était représenté à cette date par les ponts de route sur la Loire et le canal latéral, par où les Allemands faisaient passer leurs colonnes en retraite. Pendant une semaine, « ALEX »,, avec une équipe spéciale, s’occupa à les mettre tour à tour hors de service. Des abattis d’arbres furent opérés sur la route menant à la CHARITÉ, et 3 ponts sur le canal, dont celui de la grand’route à la CHAPELLE MONTLINARD furent détruits vers le 23 août, obligeant les Allemands à se détourner par de petites routes secondaires pour joindre le grand pont sur la Loire en face de la CHARITÉ. Au GUÉTIN (route de BOURGES à NEVERS) et dans les environs, trois autres ponts étaient dynamités quelques jours plus tard, toujours sur le canal, mais les Allemands réussirent à réparer assez rapidement celui de la grand’route. Puis « ALEX » passa dans le CHER-SUD pour s’attaquer au pont de MORNAY, sur l’Allier…
Ainsi la marche des convois allemands durant les derniers jours de leur retraite fut-elle entravée par tous les moyens en notre pouvoir.
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Dès le 1er Septembre, il devint évident que le départ définitif des derniers Allemands du Cher-Nord n’était plus qu’une question de jours. Ainsi qu’il a été relaté plus haut, l’évacuation de la « poche » au sud d’ORLÉANS commençait à s’achever à cette date.
Le 2 Septembre, les derniers convois, abandonnant la route de SANCERRE, descendaient en direction des AIX D’ANGILLON par HENRICHEMONT, et de BOURGES par la Nationale 140. Une série d’engagements eurent lieu ce jour-là : à la sortie d’HENRICHEMONT, un groupe du maquis d’IVOY attaquait une forte colonne de camions, tuant plusieurs Allemands et faisant 4 prisonniers.
Sur la route 140, au nord de la CHAPELLE-d’ANGILLON, le Capitaine « Louis », des F.T.P. prenait à partie un autre convoi, lui infligeait des pertes, et était malheureusement tué d’une balle presque à bout portant au moment du décrochage. Un peu plus au Sud sur la même route, aux abords du « Pic Montaigu », les groupes de village de St-PALAIS, St-MARTIN et QUANTILLY, commandés par le sergent-chef DESMOULIÈRES, sous les ordres du Commandant MAGNON, continuaient une brillante série d’embuscades entreprises les jours précédents, accrochaient encore des colonnes de véhicules hippomobiles et des cyclistes. Malheureusement, l’ennemi devait se venger de ses pertes en incendiant la maison forestière de St-PALAIS et plusieurs maisons d’habitation en bordure de la route.
A BOURGES même, l’évacuation des Allemands semblait se précipiter. Le 2 Septembre, les Cheminots de la gare commençaient à embarquer, les troupes de passage réquisitionnaient voitures, chevaux, bicyclettes. Le 3 Septembre, les derniers cheminots partaient après avoir détruit toutes les installations de la gare de BOURGES (aiguillages, château d’eau, dépôt de machines). La Kommandantur quittait également la ville. Quant à la Gestapo, la milice, etc.. ils étaient déjà partis depuis longtemps. A partir de ce jour, il ne devait plus passer de trains à BOURGES, et les dernières colonnes de troupe venant de l’Ouest paraissaient de moins en moins fortes en effectifs.
Je n’avais naturellement pas attendu cette date pour procéder à l’armement des groupes F.F.I. à l’intérieur même de la ville de BOURGES sous les ordres de « ROBIN ». Dans la nuit du 25 au 26 août, un premier parachutage à leur intention avait eu lieu sur un terrain au sud de MÉRY-ès-BOIS, et les armes avaient pu être introduites dans la ville sans incident aucun. Un second parachutage, demandé quelques jours plus tard sur le même terrain, devait malheureusement être retardé, par suite des conditions atmosphériques, jusqu’à la nuit du 5 au 6 Septembre, c’est-à-dire la veille même de notre entrée à BOURGES.
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Après le passage des derniers convois ennemis en provenance de la « poche » au Sud d’ORLÉANS, d’assez gros éléments s’étaient attardés dans la région de Parassy et des Aix d’Angillon. Cependant, comme le Nord du département paraissait entièrement et définitivement débarrassé des Allemands, j’avais décidé de faire descendre en direction de BOURGES tout le maquis d’IVOY (dont l’effectif à cette date dépassait 200 hommes armés) en prévision de notre prochaine entrée dans la ville. Le même jour (c’était le 3 septembre), le commandement allié s’était enfin décidé à faire traverser définitivement la Loire aux éléments du 4eme Bataillon de parachutistes français, montés sur Jeeps, qui se trouvaient depuis plus d’une semaine en attente à BRIARE. Et le lendemain, je prenais contact près de MENETOU-SALON avec un détachement de cette unité commandée par le Capitaine LARRALDE.
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Dans l’après-midi nous apprenons qu’une compagnie de 120 Allemands environ, avec un ou deux camions (appartenant à un bataillon d’Infanterie de marine venant de Vendée) s’est attardée aux AIX d’ANGILLON et se trouve complètement isolée, le reste du convoi s’étant retiré vers Baugy.
Nous décidons d’essayer d’obtenir sa reddition, mais les Allemands refusent de se rendre. A 19h30 le village est attaqué par 5 jeeps et un groupe de réserve du MAQUIS DE MENETOU de 25 hommes environ. Au bout d’une heure environ, les Allemands sont chassés des AIX, non sans s’être défendus âprement dans les vergers et les jardins sur toutes les lisières Nord et Est du village, et ils se replient ensuite par la route de RIANS durant la nuit. Mais ils avaient subi de sérieuses pertes en tués et blessés, et laissaient entre nos mains une vingtaine de prisonniers, un gros camion ainsi que toutes leurs munitions et leurs vivres de réserve.
Malheureusement, le Capitaine LARRALDE avait été blessé accidentellement au début de l’action par l’éclatement d’un projectile de Piat au-dessus de la tête, le Sous-Lieutenant WILMS, commandant le groupe de réserve du maquis de MENETOU, était affreusement mutilé par une grenade (jambe arrachée, etc..) et le Capitaine « OXFORD », de la mission alliée de liaison (parachutée à IVOY le 8 août), avait reçu également une très grave blessure.
Cet engagement des AIX D’ANGILLON, où pour une fois les forces de la Résistance, grâce à l’appui des Jeeps, purent attaquer l’ennemi chez lui au lieu de pratiquer uniquement, le combat en embuscade, devait clore pour les F.F.I. du Cher-Nord l’action militaire proprement dite sur le territoire même du département. Le combat, qui avait été le plus vif, se trouvait donc également avoir été le dernier.
Ce même jour du 4 Septembre, un important détachement F.T.P. venu du CHER-SUD, sous les ordres du Commandant RENAUDIN, entrait sans coup férir à VIERZON et occupait la ville. Le lendemain « STAG » (qui s’était absenté la veille de son secteur pour un voyage à ORLÉANS) pénétrait à son tour dans VIERZON avec ses troupes. Le 5 Septembre au soir, on ne me signalait plus la présence dans BOURGES que de quelques groupes allemands attardés. Le village de MARMAGNE, à l’ouest de la ville, assez fortement occupé les jours précédents, était complètement évacué.
Le 6 au matin, je reçus la visite à la ferme de BEAUMONT, près de MENETOU-SALON, du Commandant de Gendarmerie VACHER et du Colonel de GOY, venus de BOURGES pour s’informer que la ville était entièrement débarrassée des Allemands, à l’exception de quelques dizaines d’hommes demeurés dans la caserne Carnot. Je donnais aussitôt l’ordre de rassembler tous les effectifs disponibles des maquis de MENETOU et d’IVOY pour entrer dans la ville au début de l’après-midi. Je fis passer d’autre part un message au Capitaine « DURET » pour qu’il participe à l’occupation de BOURGES avec tous les éléments qu’il pourrait diriger immédiatement sur la ville en venant de l’est.
Enfin je fis prévenir le Colonel BERTRAND, dans le CHER-SUD, pour qu’il puisse faire entrer simultanément dans BOURGES ses forces dont les têtes de colonnes étaient stoppées à une dizaine de kilomètres de la ville.
A midi accompagné du Commandant MAGNON et d’une section du maquis de MENETOU transportée en camionnettes, je me rendis à la Préfecture. J’y avais été précédé d’une demi-heure environ par deux Jeeps du 4ème Bataillon de parachutistes. Deux heures plus tard, le restant du maquis de MENETOU et le maquis d’IVOY – près de cinq cents hommes au total, montés sur des autos réquisitionnées de tous modèles et de toutes descriptions – pénétraient à leur tour dans BOURGES par la route d’AUBIGNY. Quelques douzaines de traînards allemands attardés dans cette ville s’empressèrent de se constituer prisonniers.
A 4 heures, le 1er R.I. venant du CHER-SUD faisait aussi son entrée à BOURGES. La libération du Cher-Nord était achevée.
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Durant la semaine qui suivit, de très grosses colonnes allemandes de toutes armes continuèrent à traverser le CHER-SUD en direction de l’Allier. Un de leurs itinéraires de passage se trouvait être la route de St-FLORENT à DUN-sur-AURON par LEVET, ce qui fit que l’on put craindre à plusieurs reprises que l’ennemi tenterait de réoccuper BOURGES, ce qu’il aurait évidemment pu réussir aisément avec un peu d’artillerie et quelques blindés.
Les forces du Colonel BERTRAND dans le CHER-SUD harcelaient nuit et jour ces convois allemands. En vue de les seconder, une partie des maquis d’IVOY et de MENETOU renforcés par un détachement de CHATILLON-sur-LOIRE, fut mise à la disposition du Commandant ROY, commandant le 1er Bataillon du 1er R.I. et fut employé du 9 au 11 septembre à maintenir une série d’embuscades permanentes sur la route de DUN à SANCOINS, aux abords du carrefour d’OSMERY. Quelques engagements assez vifs eurent lieu, l’ennemi se défendant énergiquement avec des mortiers et parfois aussi avec des blindés. Une voiture et un camion furent capturés ainsi qu’une certaine quantité de matériel (bicyclettes, armement, munitions, etc..) et des pertes en tués et blessés infligées à l’ennemi (au moins 6 tués et une vingtaine de blessés).
Le lendemain 12 septembre, toutes les forces allemandes se trouvant encore sur le territoire du CHER-SUD à l’ouest de l’Allier capitulaient entre les mains du Commandement Américain.
La lutte était terminée.
Le Commandant des F.F.I.
Pour le Cher-Nord
Arnaud de Vogué
Film – Libération de Bourges
1944 Réalisé par : Ciné Berry Amateur
• Maurice Lostrie alias Alex : Officier parachuté spécialiste des sabotages. A lui sont dues les principales opérations de destruction du Cher-Nord.
• J. Desmoulières : Maire et chef de groupe de Résistance de Saint-Palais. Mène de belles embuscades au Pic de Montaigu.
• Capitaine Georges Rossignol alias Gaston Robin. Ancien du groupe « Vengeance ». Chef des F.F.I. de Bourges.
• André Bordes : alias Oxford, Allet) André Bordes, né le 21 août 1920 à Seigy, était capitaine des Forces françaises libres (FFL) en 1940. Capitaine parachuté le 8 août 1944 dans le Cher dans le cadre de la mission Jedburgh « Alec » pour former des recrues FFI du « Team Jedburgh », grièvement blessé le 4 septembre 1944 aux Aix-d’Angillon. Mort de ses blessures en janvier 1945.
• Robert Baronnet, le futur commandant F.T.P. « Renaudin »
• Capitaine Belmont de Montagu alias Stag. Document portant sur l’affaire Belmont, alias « capitaine Stag », du nom du responsable Service renseignements et action SNCF sur le réseau Sud-Ouest des Corps Francs « vengeance ». Il est accusé par des anciens déportés de les avoir livrés à la police française.
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – pages 2 & 3
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 6 – deux zones : Maquis de Menetou & Maquis d’Ivoy
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 7 – les parachutages
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 11 – Réseau F.F.I. & F.T.P.
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 13 – Les F.F.I. à l’été 1944
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 17 – Les armes
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 18-19 – F.T.P. & F.F.I.
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 24-25 & 26
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