Notice bibliographique – BnF Catalogue général

Type de document Livre
Langue français
Description physique 1 vol. (192 p.) couv. ill.
Date de publication 1935 Collection La Grande aventure
Autre titre Saint Jacques, ermite en Berry (Autre variante du titre)
Sections Patrimoine

La Dépêche du Berry, 29 novembre 1935

© La Dépêche du Berry, 29 novembre 1935

LA VIE BERRICHONNE
Le Chevalier des Icônes

Je n’ai pu vérifier le 19 novembre, cette année, à La Chapelle-d’Angillon, si le culte de saint Jacques l’Ermite est aussi suivi que la note hagiographique, qui clôture le récit de sa vie singulière, semble l’indiquer.
« Chaque année, dit la note, le 19 novembre, jour anniversaire de la mort du saint, a lieu une grande procession, très suivie, qui, du sanctuaire descend dans la prairie sur les bords de la petite Sauldre et s’arrête devant la niche rocheuse ».
Cependant, pour la ferveur berrichonne, saint Jacques ensuite compte encore beaucoup à côté de sainte Solange. Pour n’être pas qu’un Berrichon d’adoption, ce Jacques fait partie de nos saint locaux. Il nous est venu de très loin, de Byzance, au temps des querelles qui nous ont valut un qualificatif que l’on applique encore à celles de nos politiciens.
Jacques a connu l’une des plus abominables périodes de l’Histoire religieuse d’Orient, celle qui vit naître et se propager l’hérésie des iconoclastes ou briseurs d’images. La Byzance que le grand Empereur Constantin avait si merveilleusement ornée qu’elle avait mérité le nom de Constantinople fut au IXe siècle saccagée et ensanglantée par ordre de Léon l’Isaurien et de Léon l’Arménien qui, par orgueil en voulaient beaucoup plus au Christ et à la Vierge qu’à leurs images.

© La Dépêche du Berry, 29 novembre 1935

Dans ce temps troublé vivait donc Jaques. Ce jeune homme de grande famille, par sa décision et sa bravoure avait plu à l’un de ces empereurs félons. Il en devint l’ami et le conseiller. Le frère de Jacques s’était retiré dans un couvant. Cet acte frappa beaucoup le jeune militaire et l’éclaira soudain. Il découvrit la duplicité de Léon l’Arménien et, à son tour, quittant la cuirasse pour revêtir le froc il s’en fût. Pour aller où ?
Pour aller vers Dieu dans la paix et la solitude.
Il quitta la cité aux coupoles, aux mosaïques et aux fleurs d’émail et parcourut de son pied la vaste terre. Tour à tour en Palestine, en Afrique, en Sicile, en Corse, à Rome, à Gênes il chercha, vainement, ce lieu d’ombre et de silences où il pourrait planter son ermitage.
Le saint homme songeait. Il se rappelait qu’un jour, dans le palais de son père à Constantinople, il avait rencontré un jeune officier, envoyé par Charlemagne en mission, qui, pour la première fois, venait dans la grande cité. Celle-ci cependant ne paraissait pas l’éblouir. Au contraire. Il disait , et Jacques s’était toujours rappelé ses paroles :

« Nous avons, nous aussi, des monastères et de belles Églises en notre ville de Bourges…
« Toute notre campagne est riche en ruisseaux qui courent, en grandes forêts, en pâturages. Aux splendeurs de votre capitale et aux jeux du cirque, je préférerai toujours le bêlement des moutons de mon pays et le chant de l’alouette au-dessus du sillon. »

© La Dépêche du Berry, 29 novembre 1935


Dans le riant tableau qu’il fit de ses bois, de ses eaux, les chênes, les fougères, apparurent enveloppant des prairies brodées d’aiguail, et là, près d’un ruisseau chantat que le voyageur appelait la Sauldre, les auditeurs évoquèrent le lieu modeste qu’on leur décrivit, une tour, d’humbles maisons, des huttes de bûcherons, le tout se nommant Saxeau.
Mais le jeune officier ajouta un mot qui frappa beaucoup Jacques : Là-bas, Dieu est plus près de nous ».
C’est ce souvenir qui, finalement, orienta les pas du religieux. Jacques vient en France. Jacques arriva en Berry. Il n’était plus très jeune, il était pauvre, il va sans dire, ses vêtements s’étaient effiloqués aux ronces des chemins, sa barbe avait crû, mais on sourire était plein de bonté et son regard de certitude.
Pourtant, si loin des routes était ce hameau, le seigneur qui l’habitait avait ouï parler de Jacques. Jacques avait fait des miracles. A Gênes, il avait rendu la vue à une grande dame aveugle. Que n’allait-il apporter d’heureux dans cette solitude que , seuls, peuplaient les bruissements des eaux et les chants aériens de la forêt ? Il allait apporter d’abord l’expression de sa reconnaissance…
Lorsqu’il fut dans le château, auprès du comte Robert, et que la conversation évoqua le passé, Jacques s’aperçut bientôt que son hôte n’était autre que ce jeune officier qui jadis, avec tant d’affection, avait décrit sa retirance berrichonne. Le récit avait fixé le destin du moine. Il allait trouver là son ermitage. Il s’y fixa. Il y mourut.

Jacques des Gachons

© La Dépêche du Berry, 29 novembre 1935

Jacques des Gachons, le romancier bien connu, en nous contant l’histoire de saint Jacques qu’il appelle « le Chevalier aux Icônes », a ajouté un chapitre nouveau à la « Légende dorée » de Jacques de Voragine, cette œuvre si représentative de notre Moyen Age. Comme les héros de cette naïve et touchante épopée, le moine grec qui a quitté la tunique militaire pour la robe de religieux, et la Corne d’Or pour les rivages de la petite Sauldre, a connu les persécutions, les périls en mer, les menaces de mort, toutes les aventures redoutables que le miracle dénoue souvent.
Le dernier chapitre de l’ouvrage – le meilleur à notre gré – est paré de la fraiche enluminure des pieuses légendes. L’ermite, familier avec les petits et les humbles, a fait amitié avec les bêtes de la forêt. Il n’interrompt son oraison que pour reposer quelques instants dans sa grotte ou travailler à l’édification d’une chapelle : La Chapelle-d’Angillon, qui unit en un même nom mal calligraphié le souvenir de l’oratoire de saint Jacques et du manoir – proche – de Dom Gillon.
Le bel et curieux ouvrage de Jacques des Gachons remettra en honneur en ces jours de novembre, anniversaires de la mort de ce pieux ermite, ce saint trop oublié qui ne trouva qu’en notre terre berrichonne, l’asile dont on rêve aux jours difficiles.

Raoul Toscan.

Des Icônes à la Solitude, par Jacques des Gachons (Bloud et Gay, éditeurs).

© La Dépêche du Berry, 29 novembre 1935

Rédigé par

Emmanuelle Toudert

École du Louvre. Guide touristique.
Licence des métiers de l'édition et des ressources documentaires.
Master Art-thérapeute.
Baptisée à La Chapelle-d'Angillon, le village de mes racines, en toute humilité je fais un retour à ma terre. "Humilité" = humus, terre.