En fait notre entrée à BOURGES allait encore être retardée d’une quinzaine de jours.
Mais, pendant que nous étions ainsi maintenus dans l’attente face au sud, la libération d’une portion importante du territoire du Sancerrois s’accomplissait d’autre part sans coup férir ; le 8 août, les Allemands avaient fait sauter le pont de Cosne, ce qui allait obliger leurs colonnes en retraite à obliquer plus au sud. Dès le 19 août, en conséquence, « CHARPENTER » donnait l’ordre aux F.F.I. d’occuper en armes tous les village situés au nord de la route Vailly-Sancerre. Les Chefs cantonaux et communaux F.F.I. prenaient en main aussitôt l’administration, le ravitaillement, la police (en accord avec les gendarmes) et se substituaient au pouvoir préfectoral défaillant. Cette organisation devait fonctionner jusqu’au milieu de septembre d’une manière parfaite, sans qu’on ait eu à signaler de réquisitions ou d’arrestations abusives, ni de désordres quelconque, et à la satisfaction générale des habitants.
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2°/ – Après le 20 août, la situation générale dans le Cher-Nord devait demeurer sans changement notable durant une dizaine de jours. Sur l’axe VIERZON-BOURGES, SANCERGUES et BOURGES-NEVERS, de nombreux convois ne cessaient de défiler, mais en général leur protection était assurée par quelques blindés ou chars intercalés parmi les camions, ou placés en tête et en queue des colonnes, ce qui rendait naturellement beaucoup plus hasardeuses nos tentatives d’embuscades.
Les voitures isolées et les petites colonnes hippomobiles, qui avaient constitué jusqu’alors pour nous un proie facile, devinrent de plus en plus rares. D’autre part, les trains de troupes traversant VIERZON et BOURGES se succédaient à raison de 3 ou 6 par jour et un train blindé (composé de 9 wagons, comportant 4 pièces de 88 et deux chars montés sur wagons-plateformes), allait et venait entre la GUERCHE et VIERZON pour assurer, semblait-il, la protection de la voie.
Un renseignement recueilli le 24 août à la gare annonçait encore le passage après cette date de deux divisions complètes venant de l’ouest (140 trains).
La libération de BOURGES ne paraissait donc plus devoir être imminente. Dans la partie nord de notre région, au contraire, les passages de troupes se raréfièrent entre le 20 et le 28 août à tel point que nous en fûmes à plusieurs reprises amenés à penser que les Allemands renonceraient désormais à emprunter les itinéraires Ouest-Est entre la Chapelle-d’Angillon et Argent. Nous savions naturellement qu’une « poche » considérable d’ennemis subsistait encore dans la boucle de la Loire, en face d’ORLEANS (20.000 hommes en moins, avec quelques chars, mais peu d’artillerie) et que le Commandement américain s’en préoccupait. Il faudrait bien qu’un jour ou l’autre les Allemands se décidant à sortir de là, mais par où passeraient-ils ? et comment nous y prendre pour leur causer le moment venu le maximum de dégâts ?
Pour tenter de faire donner par le Commandement allié une solution à ce problème, je décidai avec le Capitaine THOMSON (de notre mission de liaison arrivée par parachute le 8 août) d’entrer en contact avec un général américain. Nous traversons le 23 août la Loire à OUZOUER, et dans l’après-midi sommes reçus du côté de ISDON par le Général EDDY, commandant le 12e C.A. (qui, au même moment, était en
train de s’emparer de MONTARGIS). Celui-ci nous expliqua les raisons pour lesquelles le Commandement allié se trouve dans l’impossibilité absolue de s’étendre de l’autre côté de la Loire.
Evidemment, il ne méconnaît pas l’intérêt qu’il y aurait à envoyer (comme nous le lui demandons) quelques blindés dans le CHER qui pourraient infliger de terribles dégâts aux colonnes ennemies retraitant sur la CHARITÉ et NEVERS – et qui pourraient aussi attendre au passage les Allemands venant du Sud d’ORLÉANS lorsqu’ils se décideraient à décamper, et les malmener sérieusement ou même à leur couper la retraite. Mais le Général EDDY ne dispose pas de moyens suffisants pour distraire même un petit nombre de blindés de son axe de marche orienté vers le NORD-EST, en direction de TROYES, BAR-le-DUC, etc. Tout ce qu’il pourra faire, c’est de nous envoyer 17 bazookas, avec un lot important de munitions que nous irons faire enlever le lendemain par un camion au passage de la Loire à OUZOUER. Ces armes anti-chars devaient nous servir les jours suivants à renforcer l’armement des groupes chargés de monter des embuscades sur les principaux itinéraires de repli de l’ennemi.
Entre temps, le maquis d’IVOY avait occupé AUBIGNY et ensuite ARGENT le 22 août. Ces occupations complétaient celles faites précédemment dans le Sancerrois.
Puis, le 23 août, la presque totalité des maquis d’IVOY se lancèrent à la poursuite d’une colonne hippomobile ennemie signalée dans le Sud du Loiret. Durant les jours précédents, il avait été possible par des réquisitions locales de voitures légères et de camionnettes de motoriser tous les groupes de ce maquis d’IVOY, leur conférant ainsi une mobilité que limitait seule la difficulté de se procurer du carburant. Dans la soirée du 23, le convoi allemand traverse la Loire sur le pont-canal de Briare, le lendemain matin les maquis d’IVOY passent la Loire à leur tour, libèrent BRIARE et GIEN (où les Américains n’étaient pas encore entrés), retrouvent la colonne ennemie à OUZOUER-sur-TREZÉE, et se mettent en embuscade pour l’attaquer à la sortie de BRETEAUX.
Malheureusement, on ne put engager que les 5 ou 6 dernières voitures du convoi (qui furent capturées), et les pertes de l’ennemi ne furent guère importantes (quelques prisonniers).
Le 26 août, un petit détachement motorisé allemand réoccupe ARGENT (300 hommes, une cinquantaine de camions et voitures).
Par suite d’une fausse manœuvre, 3 de nos hommes sont faits prisonniers. Dans la soirée, nous plaçons des embuscades sur toutes les routes débouchant d’ARGENT en vue de le cerner dans la ville. A la tombée de la nuit un premier détachement ennemi tente de forcer le « bouchon » placé en avant d’AUBIGNY, il est repoussé avec pertes (5 tués, 5 prisonniers, un camion capturé avec un canon D.C.A. de 25 mm. Cette tentative est recommencée par l’ennemi un peu avant le jour, mais cette fois-ci en direction de LAMOTTE-BEUVRON. Il réussit à forcer notre « bouchon » près de CLEMONT (quelques pertes chez l’ennemi, une voiture et une moto détruites. Rien chez nous).
Durant les jours suivants, les Allemands se décident, à évacuer la « poche » au Sud d’ORLÉANS et reviennent en force dans toute la région septentrionale du département.
A partir du 28 en particulier, des effectifs considérables, en colonnes de toutes armes, sous la protection de quelques blindés ou chars intercalés dans les convois, traversant le CHER-NORD, empruntant tantôt la route ARGENT ou AUBIGNY-SANCERRE, tantôt la route SALBRIS – LA CHAPELLE d’ANGILLON – LES AIX, tantôt aussi la route 140 vers le Sud. D’autres se dirigent directement sur BOURGES par LAMOTTE-BEUVRON. L’importance de ces convois, et aussi la présence des blindés vont rendre beaucoup plus difficiles les embuscades. Plusieurs d’entre elles échouent. D’autres réussissent au moins partiellement, notamment le 31 août entre AUBIGNY et ARGENT, où 8 camions furent attaqués et où l’ennemi aurait perdu (selon des renseignements recueillis ultérieurement à ARGENT) 28 morts et 32 blessés, et
le 1er septembre entre CONCRESSAULT et VAILLY (5 tués et plusieurs blessés).
Pendant que nous menions ces opérations, un détachement de 4 « Jeeps » avait passé la Loire à BRIARE, et était venu rejoindre les parachutistes S.A.S. en forêt d’IVOY le 29 août. Ces « Jeeps », placées sous le commandement du Major LÉPINE (bien que servies par des équipages français) étaient destinées à monter elles aussi des embuscades sur les principaux itinéraires empruntés par l’ennemi.
Malheureusement les hésitations perpétuelles de leur Chef empêchèrent qu’elles ne fussent employées utilement durant les journées suivantes en coopération avec nos groupes de maquis, et les dégâts qu’elles purent infliger aux Allemands furent à peu près nuls. D’ailleurs, elles arrivaient beaucoup trop tard pour pouvoir faire une besogne fructueuse.
• Capitaine Marcel Louis alias Charpentier. Chef des F.F.I. du Sancerrois, adjoint du Commandant Colomb, donna une aide précieuse au Maquis.
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – pages 2 & 3
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 6 – deux zones : Maquis de Menetou & Maquis d’Ivoy
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 7 – les parachutages
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 11 – Réseau F.F.I. & F.T.P.
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 13 – Les F.F.I. à l’été 1944
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – page 17 – Les armes
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – pages 18-19 – F.T.P. & F.F.I.
• Mémoire des hommes – Groupement du Cher-Nord – Rapport du commandant Arnaud de Vogüé alias Colomb – pages 31-32-33-34 – la libération de Bourges
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