Témoignage : Vécu de mon père ; expulsé de sa maison à Chypre en 1974 lors de l’invasion des turques
Vécu : mis en place le moment de l’intrusion de Turcs (Kemal Atatürk) à Chypre. Vécu transmis par mon père, adolescent expulsé à l’époque.
« Mon village s’appelle Chartzia, un endroit de plus fertile et fleuri de la commune de Keryneia. Il se situe sur la côte de Pentadactylos et il est 3 km de la mer, d’où l’intrusion qui a été effectuée par les Turcs sur l’île.
20 Juillet 1974, par une matinée bien ensoleillée (chose contradictoire comparée à la suite), il n’y avait aucun signe annonciateur du désastre qui allait arriver. Le ciel s’est rempli d’un coup, des avions de combat turcs qui lâchent des dizaines de bombes. Des sirènes, pour prévenir les civils, retentissent partout. Les civils couraient frénétiquement à la recherche d’abris pour se cacher. Les bombardements ont été incessants. Pendant six jours, des cibles de la République chypriote ont été bombardées. Nous nous cachions constamment, l’ennemi était plus fort que nous. Ils ont débarqué sur l’île à 40 000 hommes, 400 chars et leurs avions ont bombardé sans relâche. Les bombes tombaient à côté de nous, les avions volaient très bas et repéraient facilement les cibles.
Moi, dans les bras de ma sœur. Notre mère nous disait de fermer nos oreilles afin de pas écouter les bombes tomber…
Souvent, je sentais les avions passer à côté de moi. Je n’ai pas eu peur, je n’ai pas bougé. J’ai toujours eu à l’esprit nos anciens héros et, plus tard, les combattants héroïques de la lutte de libération de 1955-59.
Chypre n’a pas pu échapper aux dents voraces de la Turquie. Les Turcs assiègent Nicosie qui, malgré une résistance acharnée, est transpercée par les Turcs. Ils ont certes rasé des villages, détruit des monuments millénaires, mais ils n’ont pas vaincu nos âmes.
Nicosie est désertée, les habitants partent dans les montagnes, les rares qui restent attendent l’avancée des Turcs. Les moments les plus difficiles arrivent, c’est-à-dire reviennent, quelques jours plus tard lors de l’attaque du 2ème Attila.
Puis les réfugiés ont quitté leurs maisons. C’est à ce moment-là que la plupart des décès ont été enregistrés, en août 1974. 200 000 personnes ont fui avec tout ce qu’elles portaient et 1 619 sont toujours portées disparues à ce jour.
Espérons que le jour où Chypre sera libre n’est pas loin. Que les âmes des héros qui sont tombés pour défendre leur patrie trouvent leur justification. »
Commémoration – Jeu de rôles avec Stéphanie Pietrois
Jeu de rôles avec Stéphanie Pietrois
Recevoir la proposition de mettre en place un jeu de rôles d’un moment de guerre pour l’Association Culturelle de la Chapelle-d’Angillon – ACCA est un défi ! L’être humain a toujours eu le désir de laisser une trace. Noter l’évidence de quelque chose, signifier la présence de quelque chose qui a été, qui a préexisté est dans la nature humaine. La commémoration de 18 juin permet à se rappeler, dans la continuité du temps, qu’on est là à travers de ce qui a été vécu, sans qu’on en fasse partie.
Merci à vous pour avoir représenté la Grèce et Chypre dans notre Berry et d’avoir expliqué nos points communs avec les guerres et les bombardements. La guerre étant de nouveau a nos portes il est fondamental de travailler sur nos peurs.
Cela me touche Anne ! Le fait que ça vous ai interpellée 🙂
Il est, en effet, important de travailler sur nos peurs suite aux réminiscences présentes.
Belle journée à vous !
Eliza
Merci Eliza pour votre intervention. J’avais oublié les mouchoirs en papier et il y avait des dames qui pleuraient. Qu’avez-vous fait ressurgir en elles ? Nous le saurons peut-être l’année prochaine alors que nous organiserons une table ronde pour les personnes qui se sont retrouvées ce dimanche.
Merci à vous pour cette journée chargée en émotions !
A très vite !
Bonjour Eliza,
Quel témoignage, en le lisant, j’ai eu ses mots qui sont ‘venus’ des âmes de combattants et de civil.e.s sont parties « ou encore au cœur de la guerre, dans les yeux d’un adolescent » l’indicible…
La transmission le fait que votre père vous le raconte et que vous, vous déposez ce vécu sur ce blogue et que nous le lisons. La transmission est encore plus forte en témoignage.
Celui-ci est très fort, mes poils sont hérissés par les émotions retenues par le début de la montée des larmes.
« Que les âmes des héros qui sont tombés pour défendre leur patrie trouvent leur justification. »
Rendre un hommage est une façon de ne pas oublier l’histoire, mais aussi toutes ces empreintes de tous ces combattants et civil.e.s.
Je suis touchée par votre billet.
Hommage et respect !
Bonjour Béatrice!
Votre retour me touche remarquablement !
C’est vrai que le moment des témoignages ainsi que la mise en scène étaient très forts. Avec votre permission, je lirai le message écrit ici à mon père.
La transmission de la peur, du traumatisme et de la notion du bruit/son est présente. Et avec ce beau métier, on arrive à transpercer le voile du non-dit.
En vous remerciant,
Eliza Christofi
Art-ψυχοthérapie : l’eφe-mère