Gordonis castrum. Sancerre au XIe siècle

Le Courrier de Bourges, 1 décembre 1861

Observations historiques sur la ville de Sancerre, par M. Chavaudret, membre de la Commission historique du Cher.De l’Origine de Sancerre, par M. de Certain, ancien élève de l’École des chartes – Compte rendu et examen de ces deux mémoires, par M. Gemabling.

Sancerre s’est-il jamais appelé Vicus Saxiacus ? Telle est la question que se pose M. Chavaudret. L’honorable membre de la commission historique du Cher vient de nous prouver que le véritable nom de Sancerre est bien Sacrum Caesaris ; puis, comme il tient à ne laisser subsister aucun doute dans l’esprit de ses lecteurs, il attaque de front l’opinion émise par La Thaumassière, qui veut imposer, dit-il, à notre ville » la qualification de Vicus Saxiacus.
C’est un gros péché commis par le premier historien du Berry, et suivant M. Chavaudret, La Thaumassière, ne s’en serait rendu coupable que pour abonder dans le sens de son ami Chollet (4), car il avait en main toutes les preuves nécessaires pour établir le vrai nom de Sancerre. L’interprétation qu’il donne de la légende de l’ermite saint Jacques, qui vivait en 864 dans un lieu appelé Saxiacus, ne peut être admise un seul instant.
L’ermite saint Jacques se retira, dit la légende, dans un lieu nommé Vicus Saxiacus appartenant à Robert (5) seigneur de la Chapelle-d’Angillon, de Barlieu de Savigny, de Ménétréol… Apud Saxiacum vicum qui nunc dicitur Capella Gilonis, sanctus Jacobus confessor se delituit. C’est ainsi que s’exprime le religieux de Saint-Sulpice, auteur de la chronique des archevêques de Bourges. Dans une charte de 1129 de l’abbaye de Saint-Sulpice de Bourges on lit : Vicus monachornun capella et l’on y a ajouté comme explication ; Chapelle d’Angillon.
Enfin, la traduction de la vie de saint Jacques dit en assez mauvaise prose rimée ;

"Toujours allois les lieux saint visiter,
Et tant marcha, qu'enfin vint arriver
Au lieu pour lors étant Sasseau nommé,
lequel étoit au noble re renommé
Prince Robert, très-vaillant personnage,
Issu jadis de royal parentage, etc.
Sasseau étoit jadis, mais ou appelle
Ce petit lieu maintenant "La Chapelle,
Bien arrosée de Sauldre la rivière etc., etc."

Mabillon et Godesard, Vie des Saints ; M. Raynal, Histoire du Berry ; les Annales bénédictines (XI,624) ; Dulteau, Histoire de saint Benoît, et Baillet, sont unanimes à cet égard et ne traduisent le Vicus Saxiacus ou Locus Saxiacus que par la Chapelle-d’Angillon.
On s’explique encore moins la persistance de La Thaumassière à appliquer à Sancerre la dénomination de Vicus Saxiacus, lorsqu’on pense qu’il avait sous les yeux le passage suivant de la vie de saint Jacques par Mabillon (6) :

 "Au bord de la petite Sauldre était un emplacement sur lequel des murailles en ruines témoignaient qu'il avait été habité autrefois par des hommes. Cet emplacement, dont le nom était Saxiacus, est situé à douze milles de la ville de Bourges : Saint Jacques y choisit sa demeure."

L’auteur de la vie de saint Jacques nous apprend, en outre, que Robert et sa femme venaient souvent visiter le saint ermite et lui faisaient apporter à manger par un de leurs serviteurs, per discophorum (7) sercum casam millechanter.

L’abbé Poupart, auteur de l’Histoire de Sancerre, dont M. Chavaudret partage complètement l’opinion, termine par la phrase suivante la discussion sur ce sujet :

"Le Vicus Saxiacus est donc La Chapelle-d'Angillon, et non pas Sancerre, qui est éloigné de plus de 6 lieues de la chapelle du saint ermite."

Nous nous arrêtons aussi, et ne suivrons pas l’auteur du mémoire dans une discussion grammaticale très nette du texte de Mabillon. Cette discussion, nous devons en convenir prouve jusqu’à la dernière évidence que l’interprétation donnée par La Thaumassière est une erreur évidente. M. Chavaudret termine ainsi :

"Il est vraiment impossible de prendre un auteur plus à contresens que ne l'a fait La Thaumassière dans cette circonstance, et c'est à bon droit qu'on est surpris d'une pareille erreur de la part d'un auteur aussi recommandable. Triste effet des opinions préconçues !…"

Le Courrier de Bourges, 4 décembre 1861

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Le Courrier de Bourges, 6 décembre 1861

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Rédigé par

Emmanuelle Toudert

École du Louvre. Guide touristique.
Licence des métiers de l'édition et des ressources documentaires.
Master Art-thérapeute.
Baptisée à La Chapelle-d'Angillon, le village de mes racines, en toute humilité je fais un retour à ma terre. "Humilité" = humus, terre.