Livre – Le Patrimoine des communes du Cher éditions Flohic

Page 233
Vers 1860
Maçonnerie et bois de chêne
(200 X 200 X 210 cm)
Pont du Lavoir
18060110

« Situé près du pont du Lavoir, construit en bordure de la rivière la Petite Sauldre qui l’alimente par un barrage de retenue d’eau, ce lavoir possède une entrée dans chacun de ses deux pignons. La façade sur eau compte 6 pieds de ferme en bois de chêne supportant la charpente et s’appuie, à l’opposé, sur un mur de maçonnerie enduit. Les planches de bois qui les distinguaient ont été remplacées par du ciment. L’eau courante et les technologies modernes ont remplacé le lavoir traditionnel. »

Arrière du lavoir – 1906

©Coll O. Mallet-Fontenil

Le Lavoir, vue de la passerelle, 1906

• Carte postale – 1908

©Coll O. Mallet-Fontenil

Le lavoir, la Petite-Sauldre, 1908, au loin « le Trou-du-Curé » après le pont. On peut apercevoir les latrines juste devant le lavoir.

• Carte postale avec les lavandières

©Coll Laurent Gilet

A droite, le lavoir, nous pouvons apercevoir des lavandières en plein travail. Tout au fond, un peu sur la gauche, la maison du cordonnier et derrière, l’église…

• Carte postale 1912

Les bords de la Petite Sauldre – La Passerelle

©Coll O. Mallet-Fontenil

La maison du cordonnier et un aperçu de la nef de l’église.

• Carte postale 1912 colorisée

Les bords de la Petite Sauldre – La Passerelle

©Coll O. Mallet-Fontenil

La même carte postale, colorisée :

Ce qu’on appelle l’âge d’or de la photographie colorée à la main en Occident se situe entre 1900 et 1940. La colorisation photographique est un procédé qui consiste à ajouter de la couleur aux photographies en noir et blanc ou sépia, généralement pour accroître le réalisme de la photographie ou à des fins artistiques. Les premières utilisations de cette technique remontent au milieu du XIXe siècle, avant l’apparition de la photographie en couleurs. Elle se poursuit pour les photos et cartes postales à une époque où les vraies photos en couleurs étaient très rares.

©Charles Joubert

Le trou du curé

©Coll Laurent Gilet

La Petite Sauldre côté inverse du lavoir.

Le secret des premiers capétiens par Marie-Madeleine Martin. Page 133.
Le premier oratoire de St Jacques, auquel succéda la première église-chapelle, a pu être fondé néanmoins sur la rive gauche, en un lieu formant plateforme, non loin de l’excavation appelée par les paysans « le trou du curé ». A la place de l’actuel plan d’eau, il y avait une prairie, sur laquelle s’élevait cette première église-chapelle, oratoire de St Jacques et où il mourut sans doute.

Sur la droite de la photo, il y a un champ de bambous qui existait toujours en 1940.

Le lavoir en mai 1995

©Coll. G. Amelot
Page 6

La petite histoire des lavoirs et de leur utilité

Créés pour lutter contre le manque d’hygiène dans le milieu du XIXe siècle, le lavoir était un lieu de travail, bien sûr, mais aussi, et peut-être surtout, un lieu de bavardage et de convivialité. C’était là que les potins circulaient, que les rumeurs naissaient, que les nouvelles se transmettaient. C’était aussi un endroit de concurrence sociale. A cette époque, on pouvait juger de la richesse ou de la pauvreté sur le nombre de draps ou sur la qualité du linge.

L’aménagement des lavoirs publics s’est fait après le vote de la loi de février 1851. A la suite des nombreuses épidémies de choléra, en 1830 et 1850, il fut fait obligation de construire des lavoirs ouverts à tous pour améliorer une hygiène défaillante.
On ne compte pas le nombre d’œuvres d’art ou de constructions exceptionnelles au niveau de l’architecture des lavoirs. L’eau ne manquait pas dans notre pays et les travaux de construction n’étaient pas très importants. Cependant ces petites bâtisses rustiques ont eu, et retrouvent grâce à des rénovations entreprises, un charme certain.

Règles d’aménagement des lavoirs

Le lavoir doit toujours se situer après la source de la rivière ou des cours d’eau, de façon à ce que l’eau savonneuse ne puisse pas contaminer l’eau potable en amont de la source.
On trouvait plusieurs principes d’aménagement : un barrage en aval qui peut être un simple radier pour maintenir le niveau d’eau ; ou un système de vannages plus ou moins complexe compatible uniquement avec les petites rivières, pour les grandes, deux astuces : on monte le plancher en bois du lavoir suivant le niveau de l’eau avec un système de poulies ou bien, le lavoir est conçu avec des gradins qui permettent de laver à différents paliers suivant le niveau de la rivière.
Il existait un autre type de lavoir public : le bateau lavoir. On en trouvait un peu partout dans les régions françaises.
Les lavoirs n’étaient pas forcément publics. Certaines femmes possédaient leur propre lavoir. Celui-ci pouvait être également privé comme en témoigne cette histoire qui s’est déroulée à Saint-Denis-sur-Loire. Une épouse harcelait son mari pour qu’il construise un lavoir. Celui de la commune se trouvait à trente mètres de la maison, au bout du jardin. Le mari céda malgré l’inutilité de la chose et la femme comblée put inviter ses amies à venir laver leur linge sale en famille.

Le lavoir est à la femme ce que le cabaret est à l’homme

La lessive était bouillie à domicile, un dernier frottage et le rinçage se passaient au lavoir. C’était un lieu exclusivement féminin. C’était avant la libération de la femme.
C’était au temps où les machines à laver, à essorer, à sécher… n’existaient pas. Du temps où ne naissait pas chaque jour une nouvelle marque de lessive, qui, bien entendu, lave plus blanc que la précédente. La « lessive », appelée « buie », « bujade »… suivant les terroirs, était un grand événement dans les fermes françaises. Elle occupait une grande partie du temps des femmes. Il était de même, dans certains cas, nécessaire d’embaucher des laveuses. Il y avait à laver des draps et du linge amassés au cours des semaines.
Il fallait faire tremper le linge sale dans l’eau pendant une nuit pour pouvoir ensuite le laver à la brosse sur la planche à laver, à moins d’avoir à proximité un point d’eau ou un lavoir, qui permettaient aux laveuses de s’installer au bord de l’eau, à genoux, et de faire leur ouvrage avec la brosse à chiendent et le battoir.
Pour faire la lessive, on utilisait comme « poudre à laver », la « charrée », sorte de poudre préparée avec de la cendre fine de ronces ou de javelles, un peu de cristaux de soude et de l’eau. Le tout étant mis à bouillir. La bouillie ainsi obtenue était placée dans un sac de toile appelé le « charrier ».
On plaçait ensuite le linge lavé à la brosse ou au battoir dans une cuve en bois dont la base était percée d’un trou, et dont on avait garni le fond de quelques pierres ou de quelques ceps de vigne (ceux-ci, après plusieurs usages devenaient blancs comme des os), afin d’isoler le linge du fond de la cuve et permettre l’écoulement du jus de lessive, appelé « lessu » (celui-ci était d’ailleurs très souvent pour lavé les sols pavés de la maison. Après en avoir entassé une certaine quantité, les plus sales en dessous, on posait au milieu le sac de « charrée », et souvent aussi, pour parfumer un sac de rhizomes d’iris séchés et coupés en morceaux (le Soupline de l’époque). On disait alors, dans le centre de la France, que la lessive était « accoutrée ».

A l’aide d’un récipient cylindrique en tôle muni d’un manche en bois, on arrosait, sans arrêt, la lessive avec l’eau bouillante. L’eau passait lentement au travers du linge, le débarrassant au passage de ses souillures.
Après toute une journée, le soir venu, on s’arrêtait, la lessive était alors dite : « coulée ».
Le lendemain matin, on rinçait les draps et le linge à l’eau claire et froide. Il ne restait alors qu’à les étaler sur le pré le plus proche, ou sur le champ de luzerne. On pouvait aussi les étendre sur un fil tendu dans la cour de la ferme.

Il était quasiment interdit de faire sa lessive le jour où l’on chante « Ténèbres » (on nommait ainsi l’office des mercredi, jeudi et vendredi de la semaine Sainte, parce qu’à son issue on éteint toutes les lumières). Il en allait de même pendant la période surnommée les Quatre-Temps (les trois jours mercredi, jeudi, vendredi et samedi, précédant le début de chaque saison).
Tout ce savait dans cet endroit commun. les ragots, les jugements allaient bon train dans ce lieu de rivalités sociales. Les comparaisons sur la beauté, l’importance du linge, les qualités de la ménagère, son aptitude à repriser parfaitement ses vêtements, tout était examiné et testé. Cela pouvait même aller jusqu’à remarquer l’absence de traces de règles sur la culotte d’une jeune fille du village. Absence annonciatrice d’un engrossement prématuré.
Une forte compétition existait entre les laveuses professionnelles, les mères de famille venant laver leur linge et les domestiques lavant le linge des bourgeois qui les employaient. Les « pro » avaient les meilleures places, les domestiques étaient reléguées dans les coins ou les bouts.

Que d’histoires se sont racontées passées, ou ont été inventées, au lavoir, les jours de grande lessive.
Quoi de plus romantique que de terminer par une balade au fil de l’eau auprès d’un lavoir. Point de rencontre entre générations, lieu en général abrité, attirance inexpliquée de l’eau… le lavoir est un lieu étrange voire mythique. Il bruit encore des mille et un mots des plus pipelettes parmi les laveuses. Il résonne encore de multiples histoires drôles ou dramatiques. Il frisonne encore des tendres baisers échangés là, par des amoureux se cachant du regard oblique des passants honnêtes…

Gérard Bardon
« Savoir d’où vient cette terre qui colle à nos pieds… »

Rédigé par

Laurent Gilet

Cartophile, jardinier