Saint Jacques de Saxeau par Marie-Madeleine Martin
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C’est bien ici ce pays de Sologne « inutile, taciturne et profond », comme l’a écrit Alain-Fournier, et dans sa jonction avec le Berry, c’est le mystérieux pays du Grand Meaulnes.
Quoiqu’on en dise, le Grand Meaulnes vivrait-il encore intensément dans les imaginations, par l’unique sortilège de sa trame psychologique ? L’adolescence de l’avant-guerre 1914 parviendrait-elle encore à émouvoir l’adolescence d’aujourd’hui (si avide de saisir la réalité de la vie, et non pas de rêver la vie) ; s’il n’y avait, flottant dans toutes les pages du roman, l’évocation d’un des pays les plus étranges de la France inconnue des touristes ?
Le Grand Meaulnes c’est peut-être le drame de l’adolescence comme on l’a tant dit, c’est bien sûr l’effroi d’un jeune homme exigeant, lorsqu’il découvre la trop parfaite incarnation de ses rêves, mais ce sont surtout les villages perdus, assoupis dans les soirées d’hiver, les petites maisons d’école remplies de paysans en sabots, et dont les greniers, quelques jours avant la distribution des prix, recelaient les livres à tranches dorées, à reliures rouges, qui appelaient les enfants casaniers de 1900 sur les traces de Robinson Crusoé et du Denier des Mohicans.
C’est la contée de la Sologne et du Haut Berry, non pas le Berry de Madame Sand, cette Vallée Noire accidentée, pittoresque, « cet abîme de sombre verdure, relevé à l’horizon par les montagnes bleues de la Marche et du Bourbonnais, mais le Berry qui ensevelit, à travers l’immense mer des bois, les villages les plus cachés du monde.