Juin 1940, triste période, la débâcle pour les civils, la retraite pour les militaires ; de Londres, un général adresse au pays son fameux appel ; à La Chapelle-d’Angillon, c’est la pagaille ce 18 juin. Le village est une véritable fourmilière car il est devenu un point de convergence de ceux qui fuient les troupes allemandes : ils arrivent du Nord par la route de Gien et de l’Est par la route d’Auxerre…
Sur cette époque difficile, un chapellois (maintenant receveur P.T.T. à Nançay), M. Christian Genete, s’est penché avec le souci et l’efficacité d’un historien, car il voulait savoir comment était mort, ce 18 juin 1940 à La Chapelle-d’Angillon, l’un de ses oncles.
Patiemment, avec méthode et obstination, Christian Genete a ramassé une grande quantité de documents et de témoignages. Grâce à lui, nous savons aujourd’hui, exactement, ce que fut le drame de La Chapelle-d’Angillon.
La situation le 17 juin
A l’Est de la Loire, les blindés du général Von Kleist viennent d’enfoncer la 4e Armée française. Un chapellois, Monsieur René Chenuet, reconnait dans le ciel d’été chapellois des avions de reconnaissance allemande. Vers 16h, Aubigny, submergée par le flot des réfugiés venant de Sully et Gien est bombardée. La gare, où un train de munitions était en stationnement, est l’objectif des aviateurs. Par chance, il ne sera pas touché et on ne déplorera pas de victimes : plusieurs bombes vont tomber dans le pré où s’élève maintenant le C.E.S. et le pavillon situé à droite après le passage à niveau de la route de Ménétréol sera touché.
Paris ayant été décrété « ville ouverte le 13 juin », les réfugiés qui affluaient par la N7 sont tous déviés, on ne sait par quel mystère, vers la 140, Gien puis Aubigny et La Chapelle, dans un véritable goulet d’étranglement.
Dans le secteur, la 6e Armée française (ce qui en reste) est repliée sous les ordres du général Touchon qui établit son P.C. à la mairie les 16 et 17 juin. Ses unités sont : la 2e Division légère d’infanterie coloniale (avec le 8e Régiment de tirailleurs sénégalais, la 72e Compagnie hippomobile), la 23e Division d’infanterie et la 8e Division d’infanterie.
Le soir, vers 20h, les français font sauter le pont de Gien pour retarder l’avance allemande mais la Loire est franchie ce même soir à Pouilly et Cosne.
Parmi les troupes totalement désorganisées, deux sections du 107e R.I. semblent faire exception à la règle : l’une établit un barrage (avec une batteuse) à proximité du pont sur la Sauldre, l’autre s’installe au niveau de l’actuel terrain de foot, route de Bourges.
Le carnage du 18 juin
Ce 18 juin, les rues du bourg sont totalement embouteillées, le champ de foire regorge de véhicules de toutes sortes, de réfugiés, de militaires.
19h : le soleil commence à baisser sur l’horizon ; à la boulangerie du centre bourg, la queue s’allonge pour se procurer un hypothétique morceau de pain.
Soudain, c’est le drame, la mort vient du ciel. Des bombardiers allemands Stukas, venant de l’Est, attaquent en piqué avec un bruit de sirène qui effrayent combattants et civils.
Monsieur Chenuet (il a maintenant 86 ans), a le temps de compter 18 appareils avant de se mettre à l’abri dans une cave. En fait ils seront environ 25 à déverser leurs bombes sur le village.
Route de Neuvy, des tireurs envoient quelques rafales vers les avions : ils recevront en réponse cinq ou six bombes.
En quelques secondes c’est l’apocalypse : le village est à feu et à sang. Sur le champ de foire, sérieusement touché, un camion flambe avec sa réserve d’essence, une famille de 9 personnes va périr ; la boulangerie où, tout à l’heure, on faisait la queue est détruite ; une aile du château est touchée, la toiture s’effondre.
En quelques secondes, les victimes recensées, de ce bombardement, seront : 99 morts, dont 48 civils (17 de moins de 20 ans), 46 militaires, 5 habitants du village dont 2 enfants. 74 seront identifiés, 25 resteront inconnus. Avec une personne identifiée, ce sont 26 tombes qui sont encore dans le cimetière chapellois.
La plupart des victimes sont enterrées dans une fosse commune.
Les 16 et 17 février 1949, 16 civils et 28 militaires seront exhumés ; en 1959, 17 militaires le seront à leur tour pour être transférés au cimetière militaire de Fleury-lès-Aubrais et en 1985, le corps d’un civil est rendu à sa famille.
Les blessés, très nombreux, vont être évacués vers l’Ouest par des militaires de passage. Ils seront ensuite pris en charge par les troupes allemandes.
On va enterrer une douzaine de chevaux dans un seul trou de bombe et on dénombre 22 véhicules détruits, 58 maisons touchées, 21 maisons partiellement détruites, 4 maisons rasées ne seront pas reconstruites.
L’arrivée des allemands
Le 19 juin, un détachement précurseur de l’armée allemande appartenant à la première division de montagne est, en fin de matinée, à Argent puis à Aubigny. Vers 13h, ces éléments avancés sont à la porte de La Chapelle-d’Angillon. Ils n’essuieront que quelques rafales de pistolet mitrailleur. Vers le soir, ils vont faire leur jonction avec des éléments de 9e Armée venant de la route de Vailly, dans une cité calme où il ne leur est opposé aucune résistance… les troupes françaises poursuivent leur repli vers l’Ouest.
A la Maladrerie, un ancien camp militaire est utilisé par les allemands pour regrouper les réfugiés. La triste période de l’occupation commence.
Une stèle inaugurée lundi
A la mémoire des victimes de ce bombardement, une stèle commémorative sera inaugurée sur la pointe du champ de foire, face à la salle des fêtes, lundi 18 juin à 18h par le maire, entouré de son conseil municipal et de la population chapelloise.
Un vin d’honneur sera ensuite servi, salle des fêtes, où Monsieur Christian Genete présentera une exposition sur ces événements historique. A ses compatriotes, il pourra également apporter une multitude de renseignements. Cette passionnante et documentée exposition fera également l’objet d’une nouvelle présentation lors des prochaines festivités du comice.
M.P.
Bonjour,
Toutes ces photos anciennes ont un sens artistique. La photographique est le miroir de nos émotions certes, mais j’ai aussi envie d’écrire, quand j’observe ces photos qui accompagnent vos articles, que cela ne me laisse pas indifférente. Toutes ces personnes ont raison de garder tous ces moments importants, car ils ont laissé derrière eux une trace la plus fidèle. Ce sont de grands moments qui ont fait l’histoire de leurs vies, mais aussi de l’histoire de la Chapelle-d’Angillon.
Les personnes ne restent pas figées. Les traumatismes sont là, tout comme les émotions ressenties lors des prises de vue, sans oublier les changements qui se sont faits dans le temps au fils des années.
Pour terminer, j’écrirai que les images agissent toujours comme un puissant déclencheur des souvenirs émotionnels. C’est impressionnant !