Archives départementales du Cher : cote M 7979
Rapport sur le bombardement de La Chapelle-d’Angillon adressé par le Maire à Monsieur le Préfet du Cher
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Un quartier général d’armée installé à la Mairie quitta le pays le lundi matin 17 juin vers 4h30. Dans la journée, il fut remplacé par un colonel qui établit son poste de commandement.
L’afflux des réfugiés a été particulièrement intense à partir de dimanche 16 juin : à la file interminable des voitures succéda un flot de piétons qui arrivait aussi dense, tant par la route nationale 140 (direction de Paris), que par la route nationale 726 (direction d’Auxerre). L’hébergement des réfugiés fut assuré convenablement par les soins de la Mairie jusque vers le 12 juin, mais le nombre augmentant continuellement, il fallut, dans les derniers jours, se borner à assurer le ravitaillement en lait et en pain : le lait fut ramassé dans les fermes de la commune et la boulangerie fonctionnait jour et nuit.
On peut évaluer à plusieurs dizaines de milliers le nombre des réfugiés qui passèrent la nuit du 17 au 18 juin sur le territoire de la commune : le camp militaire seul abritait plus de 3.000 vieillards et enfants ; les fermes, les granges, les greniers, les bois et jusqu’aux fossés des routes servaient d’abris aux gens harassés.
Une permanence de jour et de nuit était établie déjà depuis plusieurs jours à la Mairie. Les réfugiés du camp reçurent l’ordre d’évacuer dans la nuit du 17 au 18 juin vers 2 heures du matin. La plus grande partie fut amenée par camions militaires. Dans la journée du 18 juin, l’évacuation des réfugiés fut assurée au maximum : l’ordre fut donné par l’autorité militaire aux réfugiés de continuer leur route, le stationnement prolongé dans le pays fut interdit, le colonel lui-même arrêtait les convois militaires vides et y faisait monter les piétons. Sur les conseils du colonel qui jugeait un bombardement très possible, sinon probable, étant donné l’importance des deux grandes routes nationales qui s’y croisent, il fut recommandé aux habitants du pays dans la soirée du 18 juin vers 16 H. de s’éloigner de l’agglomération et de se retirer dans la campagne.
Le soir, le pays s’était progressivement décongestionné et on peut estimer qu’au moment du bombardement, n’étaient dans l’agglomération que les réfugiés surpris sur leur route ou ceux qui y faisaient une courte halte pour le ravitaillement et les habitants attardés.
Le bombardement
Le 18 juin vers 19H. une quarantaine de bombardiers arrivèrent en direction du nord à une altitude de 2000 m. environ. Ils dépassèrent légèrement le pays, le survolèrent en direction sud-ouest, nord-est et lâchèrent aussitôt leurs bombes en trois tours, tout ceci accompagné de rafales de mitrailleuses.
Le bombardement dura 5 à 6 minutes environ et les avions repartirent en direction de la route 726 en bordure de laquelle ils lâchèrent le reste de leur chargement à 3 km. de La Chapelle-d’Angillon.
On peut évaluer à une centaine le nombre de projectiles tombés sur le pays, dont une cinquantaine de torpilles (voir le plan ci-joint pour la répartition). Le champ de foire et la rue du château furent particulièrement touchés. Des incendies se déclarèrent aussitôt au garage Turpin et sur le champ de foire où une douzaine de voitures furent carbonisées, quelques-unes avec leurs occupants. Le service d’incendie s’organisa rapidement et le feu fut maitrisé dans l’immeuble de Monsieur Turpin, en quelques instants.
Je pense à toutes ces personnes qui venaient de partout, les ennemis leur tirant dessus et leur envoyant des bombes sans se soucier des vieillards, des femmes et des enfants innocents. Pour les générations qui ont suivi cette époque, ces témoignages sont bouleversants.
Passionnant merci ! Ma grand-mère parlait toujours du bombardement et c’est ce qu’elle racontait. J’attends la suite avec impatience.