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20 juillet 1944
Si Hitler sort indemne de l’attentat fomenté contre lui par ses généraux, tous n’ont pas sa chance :
« Jeudi 20, les matricules 8256, 8247, 8252 ont exécuté Monsieur Petit, maire de Presly, à 21 heures. La mission a été exécutée parfaitement.
Signé Bonaparte 8256″.
Ce rapport de « Bonaparte » à son chef « Maxime » frappe par son laconisme ; c’est que ce genre d’exécution, de plus en plus fréquent, n’attire guère plus l’attention qu’un banal fait divers surtout lorsque, comme dans ce cas, la victime est connue pour son attitude collaborationniste.
De fortes présomptions font en effet que les habitants de Presly croient, à tort ou à raison, que leur maire est à l’origine de la bataille de Souesmes. Pendant toute la durée de la guerre, Gaston Petit ne s’est pas caché d’avoir des sentiments pro-allemands. Il aurait même participé activement à la recherche des réfractaires au STO. Le jour de la bataille, et au plus fort du combat, ne s’écriait-il pas :
« – Ah ! Ils se croyaient forts, cette fois-ci, ils ont trouvé leurs maîtres. Ils ne dévaliseront plus les bureaux de tabac de Vierzon jusqu’à Chartres ».
En cette fin d’après-midi du 20 juillet, peu après 21 heures – heure allemande – la nuit n’est pas encore tombée. Tout le jour durant, les averses orageuses se sont succédé et la chaleur est encore grande. Elle incite sans doute les quatre ou cinq villageois qui sont venus consommer au café du maire à s’attarder plus qu’à l’habitude. Ils sont assis sur les longues banquettes recouvertes de cuir qui ceinturent la table. Gaston Petit leur verse un dernier verre lorsqu’un inconnu se présente et réclame le premier magistrat de la commune dont il a besoin, dit-il, pour des pièces d’état-civil. Les buveurs n’ont pas prêté attention à l’homme et continuent à vider leur « chopine » lorsqu’ils sont surpris d’entendre Gaston Petit dire qu’il n’est pas le maire et que celui-ci est absent. La réponse est surprenante et difficile à expliquer, venant de quelqu’un qui n’aurait rien à se reprocher.
Presqu’aussitôt, l’inconnu demande aux témoins de s’écarter, sort un revolver que personne n’avait aperçu et tire. Le maire porte les mains à son ventre et s’écroule tandis que l’exécuteur enfourche le vélo qu’un des ses complices, resté dehors, tenait à la main. Les deux hommes repartent tranquillement vers Vierzon, accompagnés d’un troisième qui était resté faire le guet à l’entrée du village, près du transformateur.
Dans le bourg, la nouvelle se répand vite : pour tous, l’aile de la Justice vient de passer et la preuve est faite, par l’exécution, que la commune était administrée par le dénonciateur du « Grand Clou ».
L’écrivain Claude Seignolle était alors locataire de Monsieur Petit. Il raconte « l’événement » dans son roman autobiographique La Gueule :
« …Le ventre du maire avait été gonflé, difforme, prêt à exploser sous le drap de son lit de mort… Ce ventre n’aurait jamais été comme ça si ceux d’un maquis voisin, qui savaient mieux que d’autres ce qu’il méritait, n’avaient envoyé un soir deux exécuteurs chez lui, deux jeunes apparemment inoffensifs. L’un entra, l’autre resta devant la porte, tenant les vélos à la main ».
Claude Seignole : La Gueule, éditions du terrain Vague.
En fait, le romancier pose le véritable problème, celui de l’exécution sommaire. Sans doute les maquisards savaient-ils « mieux que d’autres » ce que le maire méritait mais il appartenait à la Justice d’après la guerre de prononcer et de faire appliquer la sentence. A la limite, on peut admettre que les partisans possédaient des preuves formelles et, dans ce cas, à une époque aussi troublée, alors que l’ennemi occupait encore notre pays, qu’ils se soient érigés en tribunal. Mais pourquoi n’ont-ils pas cherché à arrêter l’homme pour avoir ses aveux avant de l’exécuter ? Monsieur Petit est mort et, malgré la certitude des habitants de Presly, on ne saura sans doute jamais s’il fut bourreau ou victime.
Sept heures plus tôt, vers 14 heures, deux hommes armés chacun d’un revolver partaient en patrouille sur la route de Vasselay. « A l’aller, rien à signaler. Sur le chemin du retour, entre La Rose et Vasselay, vers 6 heures, ils aperçoivent une auto et une moto boches se diriger vers Bourges. Aussitôt, ils se cachent dans le fossé de la route ; l’auto et la moto stoppent à 25 mètres d’eux. Avant que les occupants de la voiture aient eu le temps d’ouvrir la portière, nos deux hommes abattent le motocycliste. Un Boche descend de la voiture ; c’est le deuxième tué. Puis un troisième subit le même sort quand un quatrième tire une rafale de mitraillette de l’intérieur de la voiture. C’est alors que nos deux hommes, ayant épuisé leurs munitions, s’échappent dans le champs de blé ; et après une heure d’attente, ils reprirent le chemin du retour sous une pluie battante et arrivèrent au camp à 8 heures. Ils reçurent les félicitations de tous. 1 »
Et tandis que les deux FTP regagnent leur camp, deux autres maquisards, de la compagnie « Vengeance » ceux-là, arrêtent la circulation des trains pendant 24 heures sur la ligne Paris Vierzon en sabotant deux pylônes à la sortie du tunnel.
Sur la ligne de Limoges, au sud de Vierzon, les hommes du « Maquis sous-secteur 4 » sont moins heureux : les voies ne sautent qu’après le passage du train qu’ils souhaitaient faire dérailler.
1. Compte-rendu d’un membre du groupe « Balthazar » au commandant « Maxime ».
Rapport sur l’assassinat du maire de Presly – 22 juillet 1944
du Capitaine Bachelard Commandant la Section de Gendarmerie de Vierzon.
Référence : Article n° 52-53 du décret du 20 mai 1903
Le 21 juillet 1944 vers 21 heures 45, Monsieur Petit, Gaston, 47 ans, maire de Presly (Cher) et exploitant un café débit de tabac dans cette localité a été assassiné à son domicile.
Voici comment les faits se sont produits :
Deux jeunes gens inconnus âgés de 17 à 18 ans, consomment dans le débit. Ayant manifesté le désir d’obtenir un laissez-passé pour se rendre à Orléans, le Maire assis à une table voisine avec un ami se fait connaître et précise que la carte d’identité est suffisante pour ce voyage.
Au même moment celui des deux individus le plus rapproché de lui se lève vivement et mettant à la main un pistolet qu’il avait dans la poche fait feu à trois reprises sur Monsieur Petit l’atteignant mortellement dans la région du cœur.
Les deux individus prennent la fuite à bicyclette et gagnent les bois environnants.
Les recherches aussitôt entreprises pour les découvrir n’ont jusqu’ici donné aucun résultat.
Destinataires :
1° Chef du Gouvernement (Direction Générale de la Gendarmerie Nationale) à Vichy 2 exemplaires.
2° Chef du Gouvernement (Direction Générale de la Gendarmerie Nationale) Section des Territoires Occupés à Paris.
3° Préfet Régional à Orléans.
4° Préfet Département à Bourges.
5° Général Inspecteur Général de la Gendarmerie Nationale Z.N. à Paris.
6° Général Inspecteur de La Gendarmerie de la 2ème Région à Paris.
7° Procureur de la République à Bourges.
8° Commissaire Chef de Service Départemental des Renseignements Généraux à Bourges.
9° Commandant de Légion.
10° Commandant de Compagnie.
11° Sicherheitspolizei sous couvert du Préfet du Cher.
60 – Message téléphoné concernant l’assassinat du maire de Presly
Gendarmerie
21 juillet 1944 – 9 heures
Le 20 juillet 1944 vers 21h45, 2 jeunes gens se sont présentés au débit Petit à Presly (Cher) et ont demandé à parler au Maire.
Dès qu’il se fit connaître, l’un de ces jeunes gens a sorti son revolver et l’a tué de 3 balles.
Puis ils se sont enfuis tous les 2 à bicyclette en direction de Neuvy-sur-Barangeon.
Signalement :
I – 18 ans environ
1m. 62
vêtu gabardine kaki
chaussé de bottes et coiffé
d’un béret basque
cheveux légèrement roux
II – 17 ans environ
1m. 60
paletot gris foncé
culotte grise
chaussé de souliers et de houseaux.
61 – comptes-rendus des 20 et 21 juillet 1944 adressés par les FTP au commandant « Maxime »
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