

Edme, Marie, Boiché alias Gérald
Il est né le 6 août 1921 dans l’Ain, et vit à Paris avant de rejoindre le département du Cher
• Cantonnement : le Gué Berneau
• Chef du groupe Jacques Cœur (Maquis d’Ivoy)
Organisation de Résistance : Réseau Tolbiac, FFI du Cher-Nord (lieutenant)
Arrêté en septembre 1943, évadé, il va réussir une mission d’échanges de prisonniers le 26 août 1944
Décédé le 25 avril 1995 – Bourges, à l’âge de 73 ans
…/…
F.F.I. Cher-Nord
Maquis d’Ivoy
26 août 1944
Nous n’aurions pas esquissé la moitié de la manœuvre que la mitrailleuse nous aurait déjà étendus. D’ailleurs, nous constatons que le tireur est adroit. Sur les animaux, dans les terres, il tire au coup par coup ou par petites rafales. Le maquis n’attaque pas. Nous en sommes soulagés.
Nous arrivons à la Charité. On traverse la Loire, direction Clamecy. Arrêt dans une propriété. La troupe s’installe dans le parc : les officiers dans le château et nous trois dans une chambre sous les toits. Dans le couloir, devant notre porte, deux sentinelles en armes nous gardent. La pièce est petite, sans meuble, une petite fenêtre et une autre porte dans la cloison. Nous sommes assis à même le plancher. Chacun réfléchit dans son coin. Le moral n’est pas au beau. La porte sur la cloison s’ouvre, une jeune fille nous demande doucement si l’on a faim et soif. Elle revient, peu de temps après, avec ce qu’il faut et nous dit que, dans la nuit, par la même porte, nous pourrons nous sauver. Toutes les pièces du grenier correspondent entre elles, ce qui permet d’éviter le couloir.
Les Allemands nous portent des matelas. Nos deux gardiens sont entrés. Ils entament la conversation et nous donnent des cigarettes. Ils nous demandent de leur écrire un papier affirmant que le soldat « X » nous avait bien traités pendant notre captivité, ce que nous faisons volontiers. Puis, par groupe de deux ou trois, c’est le défilé. On signe des « reconnaissances de bons traitements ». En échange, on reçoit cigarettes et boites de conserves. Le dessus de la cheminée ressemble à un garde-manger. Malheureusement, nos gardiens restent dans la chambre. Ils sont relevés régulièrement toutes les deux heures. Nous restons éveillés tout la nuit, fumant cigarettes sur cigarettes. La nuit est longue, nos bouches en feu. Le soleil est levé. Bruits de bottes dans l’escalier.
Dans le couloir, la porte s’ouvre ; on nous place face à un mur. Les armes cliquettent, nous nous regardons, mes deux compagnons sont pâles, je dois l’être également. Nous avons compris que les Allemands vont nous fusiller.
« Je crois que nous sommes arrivés au bout, mourons en bons Français et en bons chrétiens ».
C’est le lieutenant Bertrand qui vient de parler. De sa voix grave, il enchaîne « Notre Père qui êtes au cieux… » Tout en priant, je le regarde à la dérobée. Il est au garde à vous, ses yeux brillent intensément, sa pâleur a disparu, il prie avec ferveur, il semble heureux, oui ! heureux, comme au soir d’une veillée au patronage de la Croix Saint-Simon. Quant à Pilou, flegmatique, sa voix se mêle aux nôtres. Un ordre est hurlé, les événements s’enchaînent rapidement. La mort n’a pas voulu de nous.
Un capitaine S.S. descend d’une voiture, m’appelle, me fait monter dans son Opel. Nous roulons vers la Charité. Pendant le trajet, il m’explique qu’il me donne jusqu’à 17 heures pour ramener des soldats de son régiment faits prisonniers par les nôtres. Il insiste, passé ce temps, mes deux compagnons seront fusillés, car la colonne remonte sur l’Allemagne. Il m’abandonne au beau milieu de la rue principale. Je suis seul, personne.
Je suis encore tout abasourdi et ne sais que faire. Trouver une voiture ? Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Rien, personne. Je monte la rue cherchant où frapper. Je sonne à la porte du cabinet d’un médecin. On me répond qu’il est en visite en campagne, on ne sait pas quand il rentrera. Oui, il a une voiture, mais il en a besoin pour visiter ses malades. La tête vide, je cherche en vain une idée lorsqu’un homme vient à moi. Il a tout vue de sa fenêtre et mon uniforme anglais l’intrigue. Une voiture ? oui, il a ça, en état de marche, avec le réservoir plein. Le brave homme, je l’aurais embrassé.
…/…
1 – Souvenirs d’Edmé Boiché – L’affaire d’Antoine de Vogüé alias lieutenant Bertrand
2 – Souvenirs d’Edmé Boiché – L’affaire d’Antoine de Vogüé alias lieutenant Bertrand
3 – Souvenirs d’Edmé Boiché – L’affaire d’Antoine de Vogüé alias lieutenant Bertrand