Editions Le Clairmirouère du temps, 1992

"Il ne pouvait s'agir que d'aviateurs allemands pilotant des avions qui leur étaient tombés entre les mains dans les pays conquis."

Auteur(s) : Auger, Roland (1922-….) Voir les notices liées en tant qu’auteur
Titre(s) : Journal de guerre d’un non-combattant [Texte imprimé] : 1939-1945 / [Roland Auger]
Publication : Chailles : le Clairmirouère du temps, 1992
Impression : 92-Levallois-Perret : Impr. Marathon
Description matérielle : 85 p. : ill., couv. ill. ; 24 cm
Note(s) : Contient un choix de documents
Genre ou forme : Récits personnels français Voir les notices liées en tant que genre ou forme
Indice de l’Histoire de France : LK 510-4 = Mennetou-sur-Cher (Loir-et-Cher. – LK 510-4 = Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher
Identifiants, prix et caractéristiques : ISBN 2-905082-08-9 (br.) : 118 F
Identifiant de la notice  : ark:/12148/cb361495749
Notice n° :  FRBNF36149574


Le lendemain, 19 juin, toute la journée nous voyons des avions mitrailler les routes de l’exode, principalement la D. 222 entre Saint Julien/Cher et Dun le Poëlier, ainsi que la route de Sologne entre Menetou/Cher et Selles Saint Denis. Nous entendons bientôt dire que ce sont des avions italiens qui font cet odieux travail.
Dans le courant de l’après-midi quatre de ces avions « italiens » surgissent à basse altitude et font plusieurs tours au-dessus du village. Que cherchent-ils ? Ils se contentent de lancer des tracts et disparaissent.
Mon grand regret est de ne pas avoir conservé au moins un des ces tracts. Mais mon regret est un peu atténué par le fait que, après avoir lancé un appel dans la Nouvelle République, une personne, que je tiens encore à remercier, m’en a communiqué la teneur. La voici :

« Français, vous devez savoir que le Maréchal Pétain vient de se rendre à Berlin auprès du chancelier Hitler en vue d’une amnistie.
Nous n’ignorons pas, pas plus que vous, qu’il y a encore dans ce secteur-ci une armée qui lutte courageusement, mais bientôt nos colonnes blindées arriverons et si vous ne voulez pas avoir à subir le même sort que vos camarades des Flandres, Français, sur ce, réfléchissez et déposez les armes ».

L’article précédent intitulé « Les avions « italiens » mitraillent les routes de l’exode » a été publié dans « La Nouvelle République du Centre-Ouest du 5 janvier 1988. Quelques jours après sa publication j’ai reçu de Monsieur Gilbert Rigollet, journaliste et ancien correspondant de la Nouvelle République à Romorantin, maintenant retraité à Vendôme, un courrier dans lequel il réfutait la présence d’avions italiens dans le ciel de notre région en 1940.
Voici d’ailleurs un extrait de sa correspondance :

« Votre titre du 5 janvier m’a fait sursauter : « les italiens mitraillent les routes ». Il ne m’est pas encore possible de vous apporter la preuve que les Italiens ne sont jamais venus dans notre région. J’espère recevoir prochainement de nouveaux documents des archives de l’Etat fédéral allemand et du ministère de la guerre de R.F.A., mais dès aujourd’hui il est apparemment indiscutable que tous les bombardements attribués à l’aviation italienne ont été faits par la Lüftwaffe. En effet, d’après des renseignements de la Bundesarchiv-Militararchiv, de Freiburg-en-Brisgau, l’aviation italienne devait être cantonnée dans une petite zone dans le sud de la France.
Les témoignages dont j’ai fait état dans mon livre sont très contradictoires sur ce point. Par contre, affirmer que l’on a vu des cocardes italiennes est dénué de tout fondement : les avions italiens de 1940 ne portaient pas de cocardes, mais trois flèches de licteur (archivées Armée de l’air italienne).
Sans être affirmatif, je crois pouvoir vous dire que, lorsque vous évoquez, dans le chapitre « Panique chez les artilleurs… », le passage de « quatre avions italiens reconnaissables à leurs cocardes », et plus loin : « il ne fait pas de doute que les avions vont revenir », il s’agissait, en fait, d’avions français… »

A la suite de cet article, j’avais reçu de nombreux témoignages de personnes ayant vu opérer ces avions et qui étaient toutes convaincues d’avoir vu des avions italiens.
J’ai donc répondu à Monsieur Rigollet et voici un extrait de ma réponse :

« Je ne suis pas d’accord avec vous, quand vous me dites que les avions que nous avons vu évoluer dans notre secteur du 17 au 20 juin 1940 étaient des appareils français. Toute la population de la région a vu opérer ces avions et chacun les a identifiés comme étant des appareils italiens avec leurs cocardes tricolores que l’on ne pouvait confondre avec les cocardes françaises. Il est difficile de penser que toute une région ait été victime d’une hallucination collective. De même que l’on ne peut guère imaginer que les 60 artilleurs aient pu être pris de panique à la vue d’avions français. Et puis, comment peut-on penser que des avions français aient pu mitrailler leurs compatriotes sur les routes de l’exode ou jeter des tracts incitant les armées française à déposer les armes.
En outre, ces avions n’ont pas opéré que dans notre région. Un de mes cousins, habitant à Paris, qui se repliait avec son unité devant l’avance allemande m’a dit que le 17 juin 1940 à Eygurande à l’extrême Nord du département de la Corrèze, ils avaient été attaqués par des avions italiens qui opéraient par formations de trois, ailes dans ailes, en forme de pointe de flèche ce qui leur permettaient de couvrir toute la largeur de la route. Ils commençaient par larguer leur unique bombe et après ils mitraillaient. Il m’a dit aussi que ce même jour les appareils italiens avaient bombardé Montluçon.
Je ne pense pas non plus qu’il s’agissait d’avions allemands, car à ma connaissance, les appareils de la Lüftwaffe n’ont jamais arboré de cocardes tricolores, mais étaient doté de croix noires ou de croix gammées.
Depuis j’ai lu plusieurs rapports officiels sur ce sujet et tous concordent pour conforter la thèse de mon correspondant de Vendôme comme quoi l’aviation italienne n’a pu opérer dans notre région, la zone qui lui était impartie étant confinée dans l’extrême sud de la France et le rayon d’action de ses appareils ne lui permettant pas de venir jusqu’à notre région.
Alors quels pouvaient être ces avions aux couleurs italiennes que centaines de personnes ont vu évoluer.
Essayons de résumer les faits.

1° Nous devons admettre que n’était pas des avions italiens pour les raison que nous venons d’évoquer.
2° Ce ne pouvait être non plus des appareil allemands, ceux-ci n’ayant jamais arboré de cocardes tricolores, mais étaient dotés de croix noires ou de croix gammées.
3° Ce n’était pas non plus des avions français, les couleurs étant différentes et les aviateurs français n’auraient pas mitraillé leurs compatriotes sur les routes de l’exode.

Le champ des investigations s'étant alors considérablement rétréci, nous ne pouvons qu'en tirer les conclusions suivantes : il ne pouvait s'agir de d'aviateurs allemands pilotant des avions qui leur étaient tombés entre les mains dans les pays conquis.
C'est la thèse la plus plausible ; elle ne donne toutefois pas entière satisfaction, et ne résout pas le problème des couleurs italiennes.

A moins que les nazis aient poussé le cynisme jusqu’à peindre les couleurs de leurs alliés sur des avions récupérés pour leur faire endosser les massacre des populations fuyant devant l’invasion.
Il y a là un pas que nous n’oserons quand même pas franchir. Et, 50 ans après, le mystère des avions « italiens » reste entier.


Les stukas de la Luftwaffe bombardent La Chapelle-d’Angillon le 18.06.1940 vers 19 heures

Rédigé par

Hortense Ray

J'ai choisi de me concentrer sur les défis concrets liés aux vols spatiaux et aux voyages aériens, plutôt que de simplement rêver de l'espace. C'est pour cette raison que j'ai préféré suivre la formation TEAM (Technologies pour l'énergie, l'aérospatial et la motorisation) à Polytech Orléans.