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A la fin du siècle dernier et même au début du XXe siècle, dans la nuit et durant toute la nuit du 1er au 2 novembre, l’pée Georget (1), sacristain, enfoui dans un grand manteau noir, une calotte sur la tête, sillonnait les rues et les ruelles de l’agglomération et, devant chaque logis, s’écriait :
« Réveillez-vous, gens qui dormez ;
l’pée George
Priez Dieu pour les trépassés ! »
Le tout, ponctué de vibrants coups de sonnette. Ce qui avait pour but évident de maintenir éveillés la plupart des habitants. Évoquant cela, la Aimée Cormier, longtemps après, disait : « C’tte nuit-là, on n’arrivait pas à fromer les yeux. Mon Dieu, on avait-i’ peur ! On voyait des morts partout, des reve’nants partout ! »
Le 2 novembre (2), dans chaque église, parée d’ornements noirs, un catafalque était dressé au milieu du chœur. Tout autour, les cierges étaient allumés. La messe des morts (In commemoratione omnium fidelium defunctorum), en mémoire des fidèles trépassés, était chantée. Après la messe, les fidèles, en grand nombre, processionnellement, se rendaient au cimetière où l’officiant bénissait les tombes. Puis chacun se rendait « sur » la sépulture « de ses proches » afin de s’y recueillir.
(1) Laurent Georget. Né en 1838. Décédé en 1916. Sabotier. Domicilié rue Dieu. Le 14 juin 1914, l’abbé Bernard (a), curé d’Ivoy, lui remit la médaille de Saint-Louis, récompense honorifique, accordée par l’archevêque à tous les bons serviteurs de l’Église. Or, à cette date, Georget comptait plus de 70 ans de service (à 6 ans, il était donc enfant de chœur). Sa fille Léontine, dite Titine, Georgette, née en 1884 lui succéda dans les fonctions de sacristain. Jusqu’à ce que soient électrifiées les cloches, tirant les cordes (b), on la voyait, matin midi et soir sous le clocher, son inépuisable fichu noir placé immuablement sur des cheveux que jamais elle ne peignait, et dans lesquels, disait-on, les puces avaient élu domicile.
a) Le curé Bernard succéda au curé Vincent Mamet (né en 1847). Celui-ci avait la particularité de faire apprendre par cœur, aux enfants du grand catéchisme, Le prières habituelles en les récitants à l’adret pis à l’envers. Exemple : « Notre Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié, etc. » Manière de réciter exigée par M. Mamet : « sanctifié soit nom votre que cieux aux êtes qui Père Notre. » Cet exercice était redouté par les gamins qui n’avaient pas beaucoup de mémoire. C’était le cas, notamment pour Henri Cormier.
b) Lorsqu’il y avait un baptême, les jeunes gens, traditionnellement, montaient dans le clocher pour tirer les cordes. Or un jour, sachant que les préposés à la sonnerie seraient des gâs d’Bréviande, des garçons d’Ivoy enduisirent préalablement et abondamment les cordes d’une matière… nauséabonde. Lorsque les sonneurs descendirent, leurs mains et leurs vêtements étaient, dit-on, singulièrement bardôchés… Quant à l’odeur, n’en parlons point.
(2) Le 2 novembre 1905, à Ivoy-le-Pré, la
« loué du jour des Morts n’a eu que peu d’importance, les domestiques étaient tous loués à l’avance. Il y avait néanmoins pas mal de monde : beaucoup de personnes étaient venues pour faire une visite au cimetière. Le soir, bon nombre de jeunes gens et jeunes filles ont mis à profit les attractions réunies pour la circonstance : manège de chevaux de bois, bals, loteries, tirs et jeux divers ».
Le Journal de Sancerre
Le jour de la Toussaint, tel qu’il nous est décrit dans ce témoignage, peut nous faire penser à la fête d’Halloween, voir effrayant.