Répondre positivement à une demande de M. Colbert était sans doute pour les élus une opportunité non négligeable pour l’avenir comme M. Meynard dans son courrier du 3 septembre 1666 le laissait entendre « vous ne auriez rien faire de plus agréable au Roy et à toute la Cour, ce qui à… de reconnaître en d’autres occasions probables à votre ville une nécessité pouvant apporter par la suite des bénéfices… « . C’était aussi une occasion d’apporter de l’activité dans la ville dont ils avaient la charge où la situation économique se révélait très défavorable.

Avec population intra muros d’environ 14 800 habitants 78, Bourges connaissait alors une situation économique peu brillante malgré la production de bas de coton et de draps. Entre 1566 et 1713 la province du Berry avait perdu 25% de sa population et la généralité de Bourges 26,8%. Après quarante ans de guerre, la peste en 1628 avait ravagé la ville incitant les élus à rouvrir la Sanitat 79 pour abriter les indigents.
Les intempéries, dont la grêle, dues à ce qu’il est convenu d’appeler « La petite ère glaciaire du XVIIe«  avaient anéanti les ressources agraires et le cheptel, puis survînt une grande famine en 1662. Le blé valant 16 livres le boisseau restait inaccessible aux pauvres et les mendiants étaient si nombreux qu’une taxe était prélevée par les élus pour les nourrir80. Dey Séraucourt81 les utilisa après la destruction de la Grosse Tour au nivellement de l’esplanade qui porte son nom. Les sources les plus importantes sont les mémoires des intendants et l’enquête nationale demandée par Colbert en 1664 qui donne les remarques suivantes :

"Les receveurs ont de la peine à faire payer les peuples à cause des deubs des années précédentes dans lesquels la stérilité à causé l'impuissance de satisfaire à l'acquit des tailles82".

La maître des requêtes écrivait pour sa part à Colbert le 18 juin 1664 après les émeutes provoquées en Berry par le code paysan :

"Il règne en ce pays une misère bien plus grande que celle des autres provinces. La mortalité, le peu de commerce de ceux qui restent et la stérilité des dernières années doivent entrer en considération pour ne pas accabler le peu de rien qui reste. Bref, le menu peuple est à l'aumône."

Devant cette situation générale, le Roi avait dû réduire à Bourges la taxe du sel à 44 muids au lieu des 225 de l’année 1664. La généralité se situait la dernière dans la liste du rapport des tailles avec 590 160 livres, Bourges pour 173 128 et « le pavé du roi83 » ne rapportait que deux lieux par an.

L’Intendant d’Herbigny84 ajoutait que le commerce y était peu prospère, mais avec une population clairsemée, les clients devraient se montrer plus rares. Les productions de laine et de chanvre, pourtant de bonne qualité, étaient souvent exportées vers les provinces voisines faute d’industrie locale. Les tissages se concentraient surtout à Aubigny, Châteauroux et Bourges, la campagne utilisant une main-d’œuvre non qualifiée dans des ateliers familiaux85. En outre, la bourgeoisie manquait d’esprit d’entreprise et de liquidités, se préoccupant davantage de se faire gentilhomme que de commercer. L’intendant avait pourtant eu des projets :

"J'avais cru que le meilleur moyen d'occuper Les Laines du pays et en même temps pour occuper une infinité de fénéants dont la province est remplie c'était de leur inspirer dessein de restablir une manufacture de draps dans la ville de Bourges".

L’enquête soulignait que « le nombre extraordinaire de gentilshommes dans une ville de province si peu peuplée vient du privilège accordé par le roi Louis XI et par l’échevinage ». En effet, les exemptions d’impôts et privilèges 86 de noblesse accordés en juin 1474 par Louis XI87 aux échevins en reconnaissance de leur bonne conduite pendant la guerre contre anglais et bourguignons, incitaient la bourgeoisie marchande à viser davantage l’échevinage qu’investir dans l’industrie. Ce qui donne raison à Colbert d’avoir restreint le nombre des offices. D’Herbigny écrivait en 1666 :

"Les privilèges de l'échevinage de cette ville ont causé une partie de ce désordre parce que dès qu'un marchand a amassé un peu de bien, il ne songe qu'à devenir échevin et puis il ne veut plus se mêler d'aucun commerce. C'est sans doute une des causes de l'oisiveté et la pauvreté de cette grande ville. Seule sa Majesté peut réprimer ce privilège". 

Ces privilèges furent racheté définitivement à Louis XIV toujours avide d’argent frais, pour 20 000 livres.


78 L’Election de Bourges comptait 77592 habitants (in memoire sur la généralité de Bourges par Dej de Séraucourt en 1697).
79 Bâtiment à l’écart du centre qui devint l’hôpital général destiné à l’origine aux pestiférés.
80 HH17 A.M. Bourges
81 Dey Séraucourt Intendant de 1682 à 1702
82 Enquête de 1664
83 Corvée consistant à tracer des routes.
84 Henri-François Lambert d’Herbigny Intendant du Berry 1666-1668.
85 Claude Michaud « L’intendance du Berry ».
86 Renouvelés par Louis XIII en décembre 1634 – A.M. Bourges AA11.
87 Louis XI né à Bourges en 1423, décédé en 1483 au Plessis-lès-Tours.



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Rédigé par

Colette Guyon

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