Saint Jacques de Saxeau par Marie Madeleine Martin
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L’un des pays les plus étranges de la France, les plus inconnus des touristes est le sud de Loire. Lorsqu’on prononce le mot de « Loire », le voyageur se remémore uniquement la suite royale des châteaux élus pour le délassement et les chasses de souverains. Chambord, Blois, Amboise. Palais de gloire et de faste, savants dessins des jardins, jets d’eau s’élançant parmi les ifs taillés ou les cabinets de verdure, vastes et nobles allées…
Mais il est un autre pays à découvrir, si l’on descend au sud, d’Orléans vers Bourges, un pays de fées et de sorciers, une contrée de brumes et d’étangs pâles, de bois profonds. Là s’érigeaient encore, au seuil des temps modernes, les châteaux de rudesse et de guerre. Les tours rondes des guetteurs, les toits crénelés sur des murs énormes, les dalles où tintaient les pas des hommes de fer, les poternes, les ponts levis. C’est la France féodale et monastique, celle qui dura plus longtemps que les Celtes et plus longtemps que le pouvoir effectif de Rome, c’est une région de refuge et de défense qui disparaît l’été sous le feuillage étalé comme la mer, et qui l’automne flamboie, forêt de mirage. L’hiver les plaines y ressemblent à des marécages, autour des châteaux croassent des vols de corneilles, comme dans ces océans du Nord où les appels des mouettes harcèlent le ciel désespéré…